Intervention de Juliette Méadel

Réunion du 16 juin 2016 à 9h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Juliette Méadel, secrétaire d'état chargée de l'aide aux victimes :

Vous posez une très bonne question, qui a d'ailleurs un certain nombre d'implications sur d'autres éléments d'information, comme le nom de proches qui se retrouvent dans les journaux avant même que l'identification des corps ait eu lieu, ou de photos qui circulent sur internet au mépris de la dignité des personnes. Bref, nous parlons de la liberté d'information et d'expression, et de la grande capacité des réseaux sociaux à divulguer tout et n'importe quoi en un quart de seconde d'un bout à l'autre de la planète. Face à cela, que peut faire l'État ?

D'abord, s'agissant des services de renseignement, de l'instruction et de l'enquête, notre rôle à tous, représentation nationale, Gouvernement, autorité publique, est de dire qu'il y a une seule information fiable, une seule information vraie : la parole des magistrats.

Ce principe est important et nous devons le rappeler, y compris dans les relations que nous avons avec les victimes. Donc, quand je reçois les victimes, je leur dis de ne pas croire ce qu'elles peuvent lire car un certain nombre d'informations fausses circulent. Il est de notre responsabilité de ne donner d'informations que lorsqu'elles sont vraies, c'est-à-dire vérifiées, ce qui suppose que l'ensemble des services de l'État aient eu le temps de procéder à cette vérification. La rapidité va souvent de pair avec la rumeur, et la rumeur est quasiment toujours fausse.

Nous pouvons néanmoins agir.

Prenons tout d'abord le cas d'une image ou une d'information – vraie ou fausse – heurtant la dignité des victimes et qui circule dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Je pense ici à la photo d'un proche d'une victime au lendemain du crash aérien de l'avion d'EgyptAir. J'ai contacté les journaux concernés et leur ai demandé, au nom de la déontologie et de leur propre charte éthique, de retirer cette photo, le principe étant que toute victime qui ne souhaite pas que la photo ou le nom d'un proche soit divulgué(e) doit être entendue. Nous pouvons donc agir non pas par la contrainte, car la presse est libre, mais par un travail mettant en avant la déontologie et renvoyant les journalistes à leur propre éthique.

Par ailleurs, les réseaux sociaux sont aussi un vecteur d'information précieux, que le secrétariat d'État à l'aide aux victimes utilise énormément. Ainsi, dès la survenance d'une catastrophe aérienne, nous pouvons envoyer par ce biais le numéro de téléphone permettant d'avoir accès à des informations. Nous le faisons naturellement en lien avec le ministère des affaires étrangères et le centre de crise et de soutien. Mes équipes vérifient très concrètement que le numéro de téléphone fonctionne, puis nous le mettons immédiatement en ligne sur les réseaux sociaux. Et vu le nombre de retweets, je pense qu'il y a là une vraie utilité. Les victimes et leurs proches demandent en effet une information vraie et fiable tout de suite, dès les premières minutes de la catastrophe. Donc, les réseaux sociaux peuvent aussi être utilisés pour renforcer la qualité des informations auxquelles les victimes ont accès.

Enfin, et pour finir, j'ai lancé une réflexion, au sein du secrétariat d'État, sur l'impact délétère de la circulation, dans la presse, des photos des terroristes. J'ai bien conscience qu'on est, là encore, sur le terrain de la liberté d'information et que celle-ci est indispensable. Je ne suis pas sûre cependant qu'il soit de bon aloi pour les victimes de voir circuler partout sur les réseaux sociaux et dans la presse les photos des terroristes, leur nom, le récit de leur vie ; même si cela satisfait probablement des besoins narcissiques cela heurte les survivants et leur famille. La juxtaposition, dans les journaux, des photos des victimes et des terroristes dont on parle beaucoup et qui renvoient à des actes abominables, ne sert pas, selon moi, l'intérêt général. Mais nous sommes là sur le terrain de la déontologie et de l'éthique.

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