Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 28 juin 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Fourneyron, rapporteure :

Notre commission est saisie aujourd'hui de deux textes examinés conjointement. L'Assemblée nationale est saisie de deux projets de loi que la commission des affaires étrangères examine conjointement :

– le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

– le projet de loi adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Ces accord interviennent à point nommé, car la fin du conflit qui a duré près de 52 ans, fait 6,9 millions de déplacés, 260 000 morts, et 45 000 disparus, est en passe d'être acté et ouvre d'immenses perspectives de coopération, notamment au plan économique, entre nos deux pays. Le gouvernement colombien et la guérilla ont en effet signé à La Havane la semaine dernière un accord historique sur un cessez-le-feu définitif et le désarmement de la rébellion. Evidemment, l'accord ne mettra pas fin à toute violence. La France n'a d'ores et déjà pas ménagé ses efforts pour accompagner le post-conflit, au plan sécuritaire, mais aussi au plan de la coopération – l'AFD y est très active et appréciée.

L'accord de paix ouvre aussi des perspectives d'échanges économiques entre la France et la Colombie. La Colombie, dont la trajectoire économique au cours des 15 dernières années témoigne d'une forte résilience au choc externe constitué par la chute des cours des matières premières (environ 2 % de croissance attendus en 2016) est, avec 47 millions d'habitants, un marché particulièrement attractif pour les entreprises françaises. Elle constitue, par sa position géographique, un point d'accès aux marchés de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale. Du fait de son dynamisme, la Colombie est regardée aujourd'hui comme un des nouveaux pays émergents susceptibles de prendre le relai des BRICS actuellement en phase d'essoufflement. Nos entreprises l'ont déjà compris – la France est le 6ème investisseur en Colombie et l'un des premiers employeurs étrangers. A ce titre, les deux textes examinés aujourd'hui sont d'une grande importance pour nos deux pays.

L'accord fiscal tout d'abord : parmi la douzaine de textes et accords signés lors de la visite officielle de Manuel Valls en Colombie, la convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales était l'une des plus attendues. Sa négociation était en effet en cours depuis 2008. C'est un texte de facture classique qui correspond aux standards de l'OCDE. Son but principal est de poser un cadre fiscal clair, moderne et bien défini entre les deux pays, permettant ainsi aux entreprises comme aux particuliers de ne pas être imposés deux fois sur un même revenu.

Dans ce cadre, les dividendes versés par les filiales dans un Etat des groupes de l'autre Etat bénéficieraient d'une retenue à la source limitée à 15 % conformément au modèle de l'OCDE. Un taux réduit (5 %) s'appliquerait aux dividendes issus de participations supérieures à 20 %.

Par exception, le taux de retenue à la source de 15 % s'appliquerait quel que soit le niveau de la participation aux dividendes versés par des sociétés colombiennes appartenant à certains secteurs exonérés d'impôt sur les bénéfices par la législation de cet Etat. L'objectif est d'éviter dans ce cas une situation de non-imposition.

Les flux d'intérêts seraient soumis à un taux de 10 %, mais seraient exonérés dès lors qu'ils résultent de prêts entre institutions financières ou de prêts bancaires d'une maturité supérieure à 3 ans.

Le taux de la retenue à la source sur les dividendes sortants serait limité désormais à 10 % entre les deux Etats. De plus, son champ serait limité à ce que prévoient les principes internationaux de l'OCDE (excluant donc l'usage d'un équipement ou les services techniques).

La convention permet également aux deux pays de réaffirmer leur volonté de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Enfin, il prévoit les modalités d'une coopération administrative accrue.

Quant au projet de loi sur la protection des investissements, il vise à ratifier le premier accord de protection des investissements signé par la France depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Sur le fond, cet accord assurera la protection juridique des investissements français ou colombiens contre les risques qu'ils pourraient encourir dans l'Etat qui les accueille. Pour l'heure, les investissements colombiens en France demeurant limités, il bénéficiera davantage aux entreprises françaises qui font le choix d'investir en Colombie. Il est lui aussi de facture classique, mais comporte quelques dispositions innovantes. L'accord consacre une « exception culturelle » permettant aux parties de déroger aux stipulations de l'accord pour l'adoption de mesures destinées à préserver la diversité culturelle et linguistique. Cette clause, incluse dans l'accord à l'initiative de la France, avait fait l'objet de quelques réticences de la part de la Colombie.

L'accord mentionne aussi l'obligation pour les entreprises de se conformer aux standards internationaux en matière de responsabilité sociale des entreprises. Il interdit également le « dumping » en matière de réglementation environnementale ou sociale pour attirer les investisseurs.

Ces deux textes devraient favoriser la poursuite et le développement des échanges économiques entre les deux pays. Ils permettront de renforcer la présence des investisseurs français en Colombie. Leur entrée en vigueur sera porteuse d'un message fort renforçant le cadre des affaires pour les entreprises françaises qui s'intéressent déjà fortement au potentiel colombien.

Côté colombien, la procédure d'approbation est en cours. Elle implique le Congrès, puis la Cour constitutionnelle avant ratification par le Président de la République.

Au bénéfice ces remarques, je vous propose d'approuver ces deux projets de loi.

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