Il me revient de vous présenter un projet de loi autorisant la ratification de deux textes :
- Un protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.
- Une convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale ;
Ces deux textes, que l'on désigne comme la Convention et le Protocole de Pékin, visent à actualiser et à compléter, respectivement :
- La convention de La Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.
- la convention de Montréal de 1971 sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale ;
Le premier de ces deux textes vise à lutter contre les détournements d'avions, le second vise à lutter contre la piraterie aérienne en général.
Les deux conventions d'origine ont été adoptées dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) – une organisation onusienne à distinguer de l'Association internationale du transport aérien (IATA) qui est un syndicat professionnel – afin de permettre aux États de coordonner leur action sur le plan juridique face à la montée des actes de piraterie aérienne qui a été très importante à partir des années soixante.
Le premier acte de piraterie aérienne hors conflit armé date de 1931, avec un détournement d'avion par des activistes péruviens. Les actes contre l'aviation civile se sont cependant multipliés à partir des années soixante et le terrorisme aérien est devenu un moyen d'action privilégié pour un certain nombre de mouvements d'opposition armée à travers le monde. Le phénomène n'a jamais cessé et on estime que près de 1100 actes violents contre l'aviation civile ont été commis depuis 1931.
La nature et le nombre de ces actes ont toutefois évolué. On dénombrait en 1970 350 actes violents contre l'aviation civile, on n'en compte plus que 12 en 2010. Le nombre de victimes a toutefois eu tendance à augmenter, puisque ces actes ont fait environ 800 morts dans les années soixante-dix, 3250 dans les années 2000 et déjà plus de 700 depuis 2010.
En effet, alors que le détournement d'avion visant à obtenir des concessions politiques était le moyen d'action le plus courant jusqu'aux années quatre-vingt-dix, on a aujourd'hui affaire à un terrorisme qui vise essentiellement à maximiser le nombre de victimes, les attentats du 11 septembre 2001 étant bien sûr l'illustration la plus évidente de cette évolution.
C'est cette mutation de la menace qui justifie l'actualisation des conventions de La Haye et de Montréal. La Convention et le Protocole de Pékin sont en effet l'aboutissement des réflexions menées au sein de l'OACI depuis 2001. Discutés au sein du Comité juridique de l'OACI, les deux textes qui nous sont soumis ont été adoptés par consensus le 10 septembre 2010.
Au cours de cette conférence diplomatique, la décision a par ailleurs été prise d'insérer dans les deux conventions des dispositions visant à lutter contre la prolifération nucléaire, bactériologique et chimique applicables au transport aérien. De telles dispositions applicables au transport maritime et terrestre ont en effet fait l'objet de conventions propres. Le trafic par voie aérienne de matières NBC étant resté jusqu'à présent marginal, il a été jugé inopportun de lui consacrer un texte séparé.
La convention de Montréal de 1971 et la convention de La Haye de 1970 définissaient un certain nombre d'infractions et contenaient des dispositions sur la compétence des tribunaux des États parties, ainsi que l'affirmation du principe « aut dedere aut judicare », « extrader ou poursuivre », qui imposait aux parties de juger ou d'extrader les auteurs des infractions visées.
Les deux textes qui nous sont soumis mettent à jour ces deux conventions.
La convention de Pékin contient vingt-cinq articles et complète la convention de Montréal avec de nouvelles incriminations et de nouvelles règles sur la responsabilité des États et la compétence de leurs tribunaux.
Parmi les nouvelles incriminations figurent principalement l'utilisation d'un aéronef pour commettre des dommages humains, matériels ou environnementaux, c'est-à-dire comme une arme, hypothèse rarement envisagée avant les attentats de septembre 2001, ainsi que le transport de matériels NBC, même si ce transport n'implique aucun acte de piraterie aérienne. D'après les services du ministère des Affaires étrangères, la version consolidée du texte devrait ainsi porter le titre : « Convention pour la répression des actes illicites en relation avec l'aviation civile internationale », et non plus « contre l'aviation civile internationale ». Est également incriminé le fait d'endommager les installations d'un aéroport ou de perturber son service.
La compétence des tribunaux des États parties est étendue aux infractions commises par un ressortissant d'un autre État partie, ainsi qu'à celles commises contre un de leurs ressortissants ou par une personne apatride résidant sur leur territoire.
Le reste du texte modifie peu la convention de Montréal.
Le protocole de Pékin, qui modifie la convention de La Haye pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, compte également vingt-cinq articles et modernise la convention d'origine d'une façon similaire.
Il élargit le champ des incriminations de façon à inclure des scénarios de détournement d'avion qui n'avaient pas été envisagés à l'époque de la convention de La Haye. Ainsi, l'infraction de détournement d'aéronefs est élargie aux appareils « en service » et non plus simplement « en vol », ce qui va concrètement du moment où commence la préparation de l'appareil jusqu'à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures après son atterrissage. La prise de contrôle incriminée a lieu « par tout moyen technologique » et non plus simplement par la violence ou la menace.
Sont également désormais incriminées la menace de commettre un détournement, ainsi que la transmission d'une telle menace, ce afin d'empêcher les mouvements terroristes d'utiliser les médias comme moyens d'action psychologique.
De façon similaire à la convention de Pékin, le protocole de Pékin étend la compétence des tribunaux des États parties aux infractions commises par un ressortissant d'un autre État partie et à celles commises contre un de leurs ressortissants ou par une personne apatride résidant sur leur territoire.
La convention de Pékin de 2010 et le protocole de La Haye amendé par le protocole de Pékin de 2010, textes qui remplaceront les deux conventions d'origine, visent surtout à permettre aux États de mieux coordonner leurs actions sur le plan juridique, et imposent peu de modifications aux droits internes des États. Dans le cas français, notre droit interne n'aura besoin que de modifications limitées, la plus importante concernant l'extension de la définition du détournement d'aéronef aux situations où l'avion est en préparation. Les deux textes sont par ailleurs parfaitement compatibles avec le droit européen.
Chacun des deux textes entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du vingt-deuxième instrument de ratification ou d'approbation à Montréal, au siège de l'OACI. Au 30 mai 2016, quatorze États ont accompli cette procédure. La France a toutes les raisons de ratifier ces textes qui tendent à renforcer la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste et de lutte contre la prolifération NBC. Je vous invite donc à approuver ce projet de loi.