Ce n'est pas parce que nous ne savons pas aujourd'hui que nous ne saurons pas demain ce qu'est cette entité que nous peinons à définir en termes d'origine physiopathologique : ce qui fait toute la différence entre la fibromyalgie et les pathologies qui se présentent comme des syndromes polyalgiques, c'est en effet qu'on n'a pas compris, physiopathologiquement, ce que cela voulait dire, c'est-à-dire que l'on ne sait pas quelle lésion est responsable de cette douleur et, le cas échéant, comment la dépister. Mais ce n'est pas parce que l'on n'a pas compris que cela n'existe pas. Au XIXe siècle, l'épilepsie était définie comme une maladie psychiatrique. De quoi parle-t-on, aujourd'hui, lorsque l'on parle de psychiatrie ? De problèmes de neurosciences ou de la vision de certaines écoles qui s'intéressent au langage et à la représentation ? Il faut donc poursuivre l'effort de recherche. L'expertise collective s'attachera à voir quelles lignes de recherche promouvoir, qu'il s'agisse d'une recherche appliquée pour une meilleure prise en charge ou d'une recherche sur la physiopathologie de la fibromyalgie. Il ne faut donc pas méconnaître les efforts accomplis et céder à l'idée que l'on serait passé à côté d'un problème que l'on n'identifie pas correctement.
La formation peut être initiale ou continue. Dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), il convient de distinguer la fibromyalgie des syndromes polyalgiques dont la cause est identifiable, traitable et curable rapidement, de manière radicale ou non. La formation est toujours à parfaire sur le plan de l'identification diagnostique.
Pour les médecins généralistes, il y a sans doute un besoin de renforcer et d'améliorer la prise en charge ambulatoire de la douleur, sur la lignée des pathologies à composante psychoaffective lourde, voire de renforcer le repérage d'un certain nombre d'éléments de la lignée autistique ou d'autres. Un gros renforcement doit avoir lieu sur les orientations de formation. La direction générale de la santé s'y consacre depuis un an et demi aux côtés de la conférence des doyens et de Benoît Schlemmer, responsable de la réforme du troisième cycle des études médicales.
En matière de santé populationnelle, l'accent devrait être plus marqué en médecine ambulatoire pour le repérage. La direction générale de la santé n'a pas la responsabilité de la formation, qui incombe à la direction générale de l'offre de soins, en liaison avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais nous pouvons donner des éléments d'orientation sur les enjeux de formation.
Cela nous ramène à la question posée à l'expertise collective relativement à la prévalence exacte de la fibromyalgie. La réponse passera par une meilleure identification des personnes qui ne vont pas consulter au-delà d'une première visite chez un médecin n'ayant pas su diagnostiquer leur pathologie et qui restent ignorées du tableau général de la prévalence de la fibromyalgie. Sans pouvoir répondre plus précisément, j'abonde cependant dans votre sens, mais il ne faut pas négliger deux précautions : il faut continuer à accompagner la recherche pour éviter de passer à côté d'une pathologie qui serait identifiable comme syndrome polyalgique et relèverait donc d'un traitement ciblé ; il faut renforcer la formation pour permettre un dépistage plus précoce.