Vous m'interrogez sur l'environnement comme déterminant sous-jacent de la fibromyalgie, et sur la relation entre santé et environnement. C'est revenir à l'idée d'une médecine davantage tournée vers la santé populationnelle. Il faut rechercher les analogies entre plusieurs cas relevés par un médecin de l'ambulatoire lorsqu'ils peuvent avoir un déterminant purement environnemental : il peut s'agir d'un produit libéré dans l'environnement, d'une source de contamination exogène… Ce point n'est pas encore bien inscrit aujourd'hui dans le programme de formation. La conférence des doyens est en train de réformer aussi le deuxième cycle pour y introduire des connaissances en santé et environnement qui ne sont pas enseignées pour l'instant. Elles devront amener le médecin à s'interroger, lorsqu'il se trouve face à une pathologie présentée par plusieurs de ses patients, sur une éventuelle source environnementale.
Ainsi, quand on étudie la potabilité de l'eau dans des régions de France assez isolées sur le plan géographique, comme le Massif central, on constate que, plus on s'approche de zones dépeuplées, moins les techniques de contrôle de la potabilité sont industrialisées. Les sources captantes peuvent même ne pas être protégées. Le contrôle de l'eau y est organisé grâce à l'action d'élus de terrain très méritants, mais ses normes ne sont pas celles en vigueur à Paris. Les risques sont certes différents, mais la proximité d'un élevage favorise parfois l'apparition de troubles digestifs épars. Un médecin généraliste qui constate cinq ou six intoxications alimentaires apparentes doit se poser la question de l'implication de l'eau de la commune dans les symptômes qu'il observe. Cette préoccupation environnementale n'entre pas dans le domaine classique des responsabilités d'un médecin généraliste. Il n'en reste pas moins – cet exemple concret le prouve – qu'elle doit être plus présente dans la formation des futurs médecins. Certes, il n'y a pas de spécialité environnementale en troisième cycle. Il paraît cependant indispensable que tous les professionnels du soin y reçoivent une formation en santé publique et en identification des déterminants populationnels.
On ne peut en tout cas exclure que des causes environnementales – qui resteraient à déterminer – soient à l'origine de la fibromyalgie. Dans ce même ordre d'idées, d'autres préoccupations se font jour. Par exemple, certaines malformations congénitales ne sont-elles pas rattachables à des causes environnementales ? Nous étudions le sujet en dépouillant les registres nationaux disponibles. Certaines malformations progressent chaque année. On explique le phénomène par l'augmentation de l'âge à la procréation, mais il peut y avoir d'autres raisons. Cela relève de la surveillance nationale : nous devons être vigilants, et prudents dans l'interprétation de divers syndromes qui peuvent sembler liés à des éléments de la vie psychoaffective, mais qui peuvent aussi être liés à des sources plus conventionnelles, telles que des déterminants environnementaux. Nous devons rester toujours en alerte.