Parce que nous sommes souvent confrontés à la détresse des personnes souffrant de fibromyalgie, qui peuvent avoir le sentiment que la direction de la sécurité sociale ne fait pas preuve d'une ouverture d'esprit suffisante à leur égard, je veux d'emblée souligner que nous abordons sans aucun a priori la situation de ces personnes. La DSS suit le dossier de la fibromyalgie dans le cadre d'une problématique plus vaste incluant l'évolution du système de santé, les difficultés que suscitent les nouvelles prises en charge et la nécessité de maîtriser les dépenses de santé.
Les personnes souffrant de fibromyalgie expriment deux attentes principales : d'une part, la reconnaissance des retentissements de cette affection sur leur état de santé et leur vie quotidienne et professionnelle, et d'autre part, la demande d'une meilleure prise en charge, en se voyant appliquer le statut de l'affection de longue durée (ALD), voire la reconnaissance d'une invalidité.
Nous recevons des demandes émanant de particuliers, mais aussi des questions écrites posées à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ainsi que des courriers que nous adressent directement les parlementaires. Je crois savoir que M. le rapporteur a reçu récemment copie d'une lettre qui avait été adressée à Mme la ministre de la santé au sujet d'une situation particulière, et dont nous avons également été destinataires.
La DSS aborde la question de la fibromyalgie comme celle de l'ensemble des pathologies, c'est-à-dire en ayant à l'esprit une double préoccupation : garantir des soins de qualité et une prise en charge adaptée, coordonnée et efficiente, mais aussi et surtout permettre une limitation de la charge financière de l'assuré lorsqu'il est exposé à des dépenses coûteuses – ce qui est le cas des personnes atteintes d'une maladie chronique ou d'une maladie grave.
Il n'est pas aisé de procéder à un état des lieux s'agissant de la fibromyalgie, ce qui complique la prise de décisions en matière sociale : si le syndrome est désormais reconnu, il reste difficile à caractériser. La prévalence est documentée, mais avec d'assez fortes variations. Le Haut Comité médical de la sécurité sociale (HCMSS) avait estimé, il y a quelques années, que 600 000 personnes étaient touchées en France, et l'on retient plutôt le chiffre de 680 000 actuellement, pour une prévalence allant de 1 % à 5 % de la population – le chiffre de 2 % étant celui cité le plus fréquemment lorsqu'on applique certains critères.
Les rapports de l'Académie nationale de médecine et de la Haute Autorité de santé (HAS), publiés respectivement en 2007 et 2010, ne nous ont pas permis de nous prononcer sur le coût des soins auxquels une personne atteinte de ce syndrome devrait faire face. Les consommations de soins de ces personnes ne sont pas documentées et, s'agissant du traitement des symptômes, il est souvent fait le constat que la dépense mise à la charge de l'assuré ne se caractérise pas, avant un certain terme, par un coût élevé pour la personne.
Reconnaître le syndrome de la fibromyalgie en l'inscrivant sur la liste des affections de longue durée implique d'objectiver le parcours de soins de la personne, l'évolutivité de sa situation, ainsi que les coûts engendrés. La mise en oeuvre du mécanisme de l'ALD a un enjeu, consistant à permettre de limiter le « reste à charge » de l'assuré face à des dépenses coûteuses – c'est une caractéristique définie par le législateur, que l'on se réfère à la liste des trente affections de longue durée (ALD 30) ou au mécanisme dit « de la trente et unième maladie » (ALD 31). Le bénéfice de l'ALD implique de définir des critères qui, pour ce qui est de la liste des trente affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, sont définis en annexe au code de la sécurité sociale en fonction d'un avis de la Haute Autorité de santé, et mis à jour périodiquement.
La fibromyalgie ne figurant pas sur la liste des ALD 30, sa prise en charge se fait, dans certains cas et sous certaines conditions, au titre de la trente et unième maladie, qui implique également des soins coûteux.
Je précise que la liste des ALD 30 n'est pas figée, en dépit de son appellation. J'en veux pour preuve que le décret qui en fixait la liste en 1974 ne comportait que vingt-cinq affections de longue durée, avec des libellés qui ne sont aujourd'hui plus usités, et que des mises à jour ont été régulièrement effectuées, notamment lorsqu'il s'est agi d'y inclure le traitement de la maladie d'Alzheimer. Si l'on devait considérer que le syndrome de la fibromyalgie constitue une pathologie justifiant, en raison de sa gravité et du coût de ses soins, d'être intégrée à la liste des ALD, cela impliquerait des modifications de niveau réglementaire de la liste, qui devraient être soumises à l'analyse de la HAS.