L’amendement que vous proposez crée une nouvelle voie d’acquisition de la nationalité française par voie de naturalisation, dérogatoire tant du point de vue des conditions de résidence en France que quant à la dispense de stage pour ces personnes, au seul motif qu’elles vivent sur un territoire dont la langue officielle est le français, alors même qu’elles n’avaient aucun lien juridique avec la France avant l’indépendance de Madagascar.
Je vous rappelle que, lors de l’indépendance de Madagascar, des dispositions particulières ont été prises afin de permettre aux personnes qui le souhaitaient de souscrire une déclaration en vue de conserver la nationalité française, sous réserve qu’elles résident en France. Cette condition de résidence sur le sol français, qui légitime le lien affectif avec la communauté nationale, est un critère déterminant de notre droit de la nationalité. La mesure proposée, visant des personnes dépourvues de lien avec le territoire français depuis plus de cinquante ans, paraît inopportune, d’autant qu’elle ne manquera pas de susciter des demandes de même nature en provenance d’autres États anciennement placés sous souveraineté française, ce qui remettrait en cause le droit spécifique adopté pour accompagner le processus de décolonisation de la France.
De nombreux échanges ont néanmoins eu lieu entre vous et mes services et je connais la sensibilité que vous venez d’exprimer sur cette question, ainsi que celle de ma collègue Ericka Bareigts. Vous m’avez signalé des situations spécifiques, qui témoignent d’une relation singulière avec la France.
L’histoire de Madagascar ne saurait à elle seule constituer un lien suffisamment fort avec la France pour justifier une naturalisation ; si tel était le cas, le risque de demandes reconventionnelles serait majeur. À cela s’ajoute le caractère exceptionnel de la situation dans laquelle se trouvent ces personnes, qui ne sont ni apatrides, ni pourvues d’une nationalité. Cela ne suffit pas pour nouer un lien avec la France mais cela permet de tenir compte de certaines situations, que vous avez évoquées. Une descendance française ajouterait à ces situations très particulières un lien qui lierait le destin de ces personnes à celui de la République. J’assume pleinement cette responsabilité.
Lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits des étrangers, je m’étais engagé à ce que le rapport d’un magistrat permette d’évaluer le périmètre des personnes concernées et les réponses qui pourraient être apportées.
Ce rapport évalue à 200 le nombre de personnes concernées. Je vous propose donc un traitement au cas par cas de ces familles. Les personnes qui répondraient aux critères que j’ai indiqués pourraient faire l’objet soit d’une procédure initiée par le ministère des affaires étrangères en lien avec la Francophonie, soit une procédure engagée depuis la Réunion, où résident leurs enfants français.
J’ai demandé aux services de la direction générale des étrangers en France un traitement précis et circonstancié de chaque situation. Il aura lieu. En échange de cet engagement, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.