Monsieur Gauquelin, les nouvelles adaptive licensing, qui existent aux États-Unis et qui sont en train de se mettre en place au niveau européen, ne sont pas sans risque, vous l'avez rappelé. Entre l'arrivée précoce de médicaments innovants sur le marché, d'une part, et le recul de plus en plus limité en termes d'essais cliniques, d'autre part, il faut trouver le juste équilibre bénéficerisque. La France a la particularité d'être en avance par rapport aux autres pays européens grâce aux dispositifs législatifs que sont les autorisations temporaires d'utilisation nominatives et les autorisations temporaires d'utilisation de cohorte. Chaque année, l'ANSM délivre 25 000 autorisations temporaires nominatives, ce qui est considérable – vous imaginez la charge de travail que cela représente en termes de contrôle. La délivrance de ces autorisations individuelles, qui répond souvent à des situations de fin de vie, se base sur la confiance que nous avons dans les praticiens – les cancérologues et les autres spécialistes compétents – qui nous disent avoir besoin de ces médicaments. Les autorisations temporaires d'utilisation de cohorte sont elles-mêmes très contrôlées par l'Agence : elles n'entrent pas dans le cadre d'essais cliniques ; elles sont, en quelque sorte, des essais en vie réelle et leur accès est extrêmement large. Ainsi, à côté du mouvement qui se développe au plan européen, auquel nous participons, la France enregistre une avance sur ces questions.
On entend dire que la disparition de certains médicaments du marché s'expliquerait par des raisons économiques, que, je le redis avec beaucoup de précaution, nous ne sommes pas capables de vérifier. Concernant l'Extencilline, monsieur le député, je connais bien, en tant que médecin, la troisième raison que vous avez évoquée, la raison principale étant que l'indication de ce médicament est devenue, et c'est heureux, très rare.
Madame Orliac, la question des procédures d'autorisation renvoie à plusieurs aspects. Certains aspects, comme l'a rappelé la présidente du conseil d'administration, ne concernent pas l'Agence. En effet, une fois l'AMM octroyée, les échéances – qui dépassent de très loin les échéances réglementaires – concernent d'autres institutions, en l'occurrence la Haute Autorité de santé et le CEPS. D'autant qu'en matière d'innovation, les autorisations de mise sur le marché sont toutes européennes. Mais je précise que la France prend toute sa part dans ces procédures européennes, qui font intervenir un pays rapporteur et un pays corapporteur : notre pays participe avec les autres États à ces autorisations, en particulier dans le domaine de la cancérologie.
Pour autant, en tant que directeur général de l'ANSM, je prends ma part sur la partie AMM : nous avons parfois des retards pour les AMM ou sur les transcriptions de certaines autorisations pour leur extension sur le territoire national. C'est pourquoi nous avons mis en place des projets prioritaires visant à rattraper ces retards. À titre d'exemple, pour remédier à notre retard dans la traduction de notices écrites dans d'autres langues que le français, nous avons décidé que cette traduction devait être réalisée par les industriels eux-mêmes, et non plus par l'Agence. Cette simple modification, au travers de laquelle nous nous mettons en situation de contrôle et non plus en situation de faire, améliore considérablement les délais. En outre, je rappelle que nous avons inscrit dans nos priorités l'autorisation du premier générique, dont l'impact économique est très important.
Monsieur Accoyer, les organismes mènent bien sûr des contrôles. Surtout, nous avons mis en place des systèmes de traçabilité pour garantir la transparence. Le respect ou non des délais qui relèvent de notre responsabilité doit faire l'objet de contrôles : ces éléments sont publiés dans les rapports d'activité transmis au Parlement. Cela étant dit, les retards en matière de délais réglementaires sur les autorisations ne représentent qu'une partie des retards ; pour en avoir discuté avec des représentants des industriels, l'essentiel des retards porte sur la phase aval, c'est-à-dire entre l'autorisation de mise sur le marché et la fixation du prix.
Nos règles déontologiques seraient-elles un frein à l'expertise ? Certes, cela complique les choses, car nous devons avoir une gestion très attentive. Néanmoins, il est hors de question de céder un pouce en matière de déontologie ; sinon, la situation deviendrait catastrophique et donc ingérable pendant des mois, voire des années. Les règles sont équilibrées. Il y a des situations d'incompatibilité, c'est vrai ; mais les liens ne sont pas interdits : ils sont gérés, c'est-à-dire que l'Agence s'assure qu'ils ne sont pas susceptibles de créer un conflit d'intérêts. Pour autant, il faut trouver un juste équilibre, et nous le faisons en développant deux aspects. D'abord, nous développons l'expertise en interne, grâce à la mise en place de programmes de formation pour une montée en compétence de nos agents, qui sont déjà de très haut niveau – beaucoup sont titulaires de deux doctorats scientifiques. Ensuite, nous développons l'expertise institutionnelle, en ayant créé deux plateformes en épidémiologie des produits de santé, à Rennes et à Bordeaux dans un environnement universitaire ; ces plateformes démultiplient la capacité de l'Agence à réaliser des études pour surveiller et assurer la sécurité des produits de santé. Mon souhait est de passer des conventions, par exemple avec des départements de pharmacologie dans des universités, afin de développer les échanges d'expertise entre ces structures et l'Agence. Nous commençons à en discuter, toujours dans un cadre déontologique.
La première mission de l'Agence est d'offrir un accès équitable à l'innovation pour tous les patients. Lorsque nous décidons des autorisations temporaires d'utilisation, des recommandations temporaires d'utilisation ou encore des autorisations d'essais cliniques, nous participons activement à l'accès à l'innovation dans les meilleures conditions. Sur le coût de l'accès à l'innovation, nous ne sommes pas compétents. Un article de Martin Hirsch posait la question de la soutenabilité de l'accès à l'innovation : il y a sans doute un équilibre à trouver.
Monsieur Siré, le Comité européen des médicaments pédiatriques (Paediatric Committe, PDCO) est responsable de la coordination des activités relatives aux médicaments pédiatriques. Il y a une vraie difficulté, mais aussi une réelle prise de conscience au plan européen quant à la nécessité de développer des formes pédiatriques. En effet, des médicaments pour adultes ne sont pas utilisés pour des enfants ou, s'ils le sont, ce sont quasiment des préparations au sens juridique, ce qui n'est pas satisfaisant. L'accès des enfants à des médicaments qui leur sont utiles est clairement insuffisant, parce que des formes pédiatriques de médicaments, parfois essentiels, ne sont pas mises à disposition.
Vous l'avez rappelé, madame Khirouni, faute d'accord sur un prix acceptable du Sativex, il y a un blocage entre l'industriel et le CEPS. L'Agence a donné l'AMM pour ce médicament depuis longtemps, considérant qu'il est extrêmement utile dans les indications que vous avez évoquées – nous avons même dû vaincre quelques obstacles, compte tenu de la nature de ce produit… Nous n'avons aucun mode d'action pour faire en sorte que la situation se débloque.
Monsieur Tian, je ne sais pas où en est le décret sur la « liste en sus » ; je vous renvoie donc au ministère. Mais je peux lui poser moi-même la question, et éventuellement vous répondre par écrit.