Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 15 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, présidente du Collège de la Haute Autorité de santé, HAS :

Comme il s'agit d'un sujet assez polémique, je souhaite rappeler que, pour l'instant, aucun patient français n'est exclu des soins innovants au prétexte de prix prohibitifs. Autrement dit, contrairement à ce que certains prétendent, notre système de solidarité garantit l'accès aux médicaments innovants et aux soins de qualité de façon équitable. Ce débat sur le prix des médicaments nous permet d'anticiper ce que pourrait être notre système de santé à l'avenir.

Dans la chaîne décisionnaire de la fixation du prix des médicaments, la Haute Autorité de santé est un maillon. Parmi les différents acteurs, il y a donc des choses qu'elle fait et d'autres qu'elle ne fait pas. Elle définit le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments. Elle réalise également une évaluation médico-économique. Par contre, elle ne négocie pas avec les industriels ; elle n'intervient pas non plus dans les négociations menées entre Les Entreprises du médicament (LEEM) et le gouvernement, conformément à l'accord-cadre qui régit les règles de fixation du prix entre les industries du médicament et le Comité économique des produits de santé. Enfin, les règles internationales, selon lesquelles un médicament dispose d'un prix européen, et l'accord-cadre, aux termes duquel la France s'engage à respecter les prix européens, ne sont pas du tout du ressort de la HAS.

Pour revenir au rôle de la HAS, une fois que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et que l'Agence européenne des médicaments (EMA) ont délivré une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un médicament, reconnu vraisemblablement efficace et surtout non toxique, la Haute Autorité de santé évalue, d'une part, le service médical rendu (SMR), c'est-à-dire l'intérêt médical de ce médicament dans le traitement d'une pathologie, et, d'autre part, l'amélioration du service médical rendu (ASMR), c'est-à-dire le bénéfice supplémentaire apporté par ce médicament par rapport à d'autres médicaments existants sur le marché. Ces deux étapes permettent, d'abord, de fixer le taux de remboursement du médicament – l'évaluation du SMR permet de dire si le médicament mérite d'être remboursé à 65%, 30% ou 15% – et, d'autre part, de négocier le prix du médicament : l'avis rendu par la commission de la transparence de la HAS sur l'ASMR est l'outil qui permet au CEPS de négocier ce prix. Plus l'ASMR est importante, plus le médicament est reconnu comme innovant, ce qui permet à l'industriel de négocier un prix élevé. À l'inverse, si l'ASMR est faible, l'industriel négocie avec le CEPS sans être certain de pouvoir atteindre le prix européen – en référence au « corridor de prix européens ». Ainsi, en fonction de l'ASMR, l'industriel obtient ou pas le prix minimal européen dans la négociation avec le CEPS.

En dehors de cette évaluation purement médicale, nous menons un deuxième type d'évaluation lorsque les médicaments engendrent un coût important pour l'Assurance maladie. Au-delà d'un chiffre d'affaires estimé par le laboratoire à plus de 20 millions d'euros, les médicaments sont soumis à une évaluation médico-économique qui permet d'évaluer, non pas un QALY au sens anglais, mais le bénéfice en termes de qualité de vie, en termes de survie, par rapport au coût revendiqué par l'industriel. Cette évaluation médico-économique n'est réalisée que pour les médicaments très innovants qui auront un impact budgétaire important pour l'Assurance maladie. Elle sert également de base à la négociation du prix par le CEPS.

En conclusion, qu'ils soient médicaux ou médico-économiques, les avis scientifiques rendus par la HAS servent de base à la négociation pour le CEPS.

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