Intervention de Emmanuel Ledoux

Réunion du 25 mai 2016 à 18h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Emmanuel Ledoux, vice-président de la CNE :

– Le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) est actuellement mené par l'ANDRA. Il a pour objectif la conception et la construction d'un stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité à vie longue (HAVL) et de moyenne activité à vie longue (MAVL) inscrits au programme industriel de gestion des déchets (PIGD). Il serait réalisé à cinq cent mètres de profondeur dans la couche d'argilite du Callovo-Oxfordien, en Meuse-Haute-Marne. Se situant au milieu de cette couche argileuse épaisse d'environ cent trente mètres, il disposerait de soixante mètres de garde au-dessus et en dessous par rapport à l'environnement géologique non argileux.

Le calendrier prévisionnel de l'ANDRA fixe à présent une nouvelle échéance pour le dépôt de la demande d'autorisation de création (DAC), à la mi-2018. Compte tenu du délai d'instruction de trois ans, la publication du décret d'autorisation de création pourrait intervenir à la fin de l'année 2021. Ce délai n'a guère évolué. La DAC est en cours de préparation. Les matériels scientifiques et techniques contenus dans la DAC résulteront de l'avant-projet simplifié, qui est achevé, et de l'avant-projet détaillé, qui est en cours.

La DAC devra prendre en compte les règles générales relatives à la création des installations nucléaires de base (INB). Elle devra également suivre les dispositions spécifiques au stockage des déchets radioactifs telles qu'inscrites dans la loi de 2006. Le rapport de la CNE2 reprend le détail des dispositions qui devront être traitées par l'ANDRA.

La sûreté du stockage est assurée en dernier lieu par la barrière géologique. Il est donc impératif de pouvoir garantir que ses propriétés, en champs proche, moyen et lointain, seront préservées durant toute la durée nécessaire au confinement. Nous parlons de sa vie active et de sa vie passive après fermeture.

Parmi les garanties scientifiques qui assurent ce préalable, la CNE2 a insisté sur trois questions qui ont fait l'objet d'auditions. Elles ne sont pas toutes arrivées à maturité. Elles devront cependant être maîtrisées au moment du dépôt de la DAC, pour garantir la sûreté de Cigéo en exploitation et après fermeture. La première de ces questions scientifiques concerne le modèle thermo-hydro-mécanique (THM). Nous l'avions déjà évoqué dans le rapport n° 9. Il s'agit du comportement de la roche perturbé par des déchets à dégagement thermique. La deuxième porte sur le comportement mécanique du massif rocheux. Ce sont tous les éléments qui garantiront la stabilité des ouvrages permettant d'accéder aux chambres de stockage et d'exploiter celui-ci. La troisième question est relative aux scellements qui n'auront pas pu être validés à l'échelle 1. Nous devrons prendre toutes les garanties, au niveau de la modélisation, afin d'assurer que ces dispositions répondent au cahier des charges.

La CNE2 a formulé des recommandations. En premier lieu, pour les phénomènes THM, l'ANDRA devra présenter une solution de référence pour les quartiers HA1 et HA2, un dessin intégrant toutes les incertitudes subsistant lors de la DAC. Dans la mesure où ces quartiers ne seront exploités que dans soixante-dix ans au mieux, la CNE2 estime que l'ANDRA dispose du temps nécessaire pour tester le modèle THM à échelle pertinente. En deuxième lieu, pour le comportement mécanique, l'ANDRA n'est pas encore parvenue à développer un modèle rendant compte de la relation contrainte-déformation dans le milieu et de la totalité des observations opérées dans le laboratoire souterrain. Par exemple, il n'est pas certain que les outils actuels permettent d'aboutir à une solution enveloppe pour dimensionner l'épaisseur de béton d'ouvrages destinés à durer plus d'une centaine d'années. La CNE2 estime que les traits principaux du comportement mécanique du massif rocheux à l'échelle du siècle doivent être établis en priorité. En troisième lieu, pour les scellements, un grand nombre d'expérimentations ont été conduites dans le laboratoire souterrain. Elles doivent être pleinement validées pour établir un modèle de fonctionnement des scellements qui permette de se projeter dans l'avenir, aux différentes phases de la vie du stockage.

Si le décret est pris à la fin de l'année 2021, la première tranche de travaux de Cigéo pourra débuter. Ce sera le début d'une phase industrielle pilote (PIP), au sens de l'ANDRA, qui pourrait débuter en 2025. Elle devrait durer une dizaine d'années. Cette phase constitue une étape essentielle de la démonstration de la maîtrise industrielle de Cigéo et de la qualité de sa réalisation. Elle devra permettre la mise en place des essais de scellements à l'échelle 1. Elle doit être réalisée avec la plus grande attention. Tout au long du creusement, l'ANDRA devra exploiter son retour d'expérience en toute transparence vis-à-vis du public et présenter un rapport annuel d'avancement.

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