Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 30 juin 2016 à 14h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Cet article, qui permet aux entreprises d'ajuster leur organisation pour répondre aux objectifs de préservation ou de développement de l'emploi, fait problème.

Aujourd'hui, rien n'empêche une entreprise de mener ce type de négociations dès lors qu'elle est confrontée à une perspective de surcroît de travail ou d'augmentation de ses commandes. De même, depuis peu, existe la possibilité de passer des accords défensifs si l'entreprise est confrontée à des difficultés ; elle dispose de la possibilité de procéder à une réorganisation, quitte à ce que les salariés acceptent une baisse de rémunération passagère.

Puisque ces moyens existent déjà, quel est objet de cet article, sinon d'ouvrir la possibilité de modifier collectivement le contrat de travail, sans qu'un plan de sauvegarde soit obligatoire en cas de refus d'une partie des salariés ? Le texte initial prévoyait d'ailleurs que les salariés refusant l'accord soient licenciés pour motif personnel ; fort heureusement, nous avons réussi, en première lecture, à transformer ce licenciement en licenciement individuel pour motif économique, même dans le cas où plus de dix salariés seraient concernés.

Vous m'objecterez, monsieur le rapporteur, qu'il est écrit : « L'application des stipulations d'un accord de développement de l'emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés. » Je vous ferai observer en retour qu'il ne s'agit pas de la rémunération annuelle, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement dans ce sens. Sinon, l'accord pourrait porter sur une augmentation du nombre d'heures supplémentaires rémunérées à moindre coût, sur une augmentation du temps de travail à rémunération constante ou avec un seuil de majoration du taux horaire plus élevé.

Je crains fort que tel ne soit l'objet de cet article 11, alors que la mesure n'est pas nécessairement favorable au développement de l'emploi. À juste titre, vous ferez valoir qu'un accord majoritaire est requis. Mais qui s'opposera à un accord comportant une baisse passagère de la rémunération ou une augmentation de la durée de travail à coût constant afin de gagner un marché, voire de prendre celui d'une entreprise concurrente ?

La motivation pour inscrire ce type d'accords dans la loi ne peut procéder que de la volonté de garantir une forme de compétitivité par une baisse du coût du travail ; cela revient à généraliser l'accord défensif en toutes circonstances. Or, si je suis favorable à l'accord défensif, je ne le suis pas à sa généralisation. De deux choses l'une : soit cet article est inutile, car toutes les dispositions nécessaires sont déjà dans le droit en vigueur, soit il est dangereux pour les salariés : si vous avez la volonté d'en garantir la pratique par la loi, c'est que vous souhaitez organiser une baisse de la rémunération du travail.

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