Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 30 juin 2016 à 14h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Je confirme que cette nouvelle rédaction constitue, de mon point de vue, un progrès, non seulement par rapport au projet de loi initial, mais aussi par rapport au texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité, notamment en ce qui concerne le périmètre retenu pour l'appréciation des difficultés économiques.

Cela étant, je m'interroge sur la constitutionnalité du dispositif : est-il possible de distinguer en fonction de la taille de l'entreprise, et de faire dépendre étroitement de cette taille le nombre de trimestres qui doivent être pris en considération ? Pour une entreprise de plus de 300 salariés, il faut une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires sur quatre trimestres consécutifs. Or une baisse très importante ou une absence de commandes pendant un seul trimestre peut remettre en cause le chiffre d'affaires de toute une année.

Certes, la rédaction a été améliorée, dans la mesure où il faut désormais que plusieurs critères soient réunis pour que le licenciement économique soit justifié. Mais, ce qui me gêne, c'est l'aspect mécanique des choses, le fait que l'on dise qu'il y a cause réelle et sérieuse à partir du moment où tel ou tel critère est satisfait. Par exemple, une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est un critère que je peux admettre, mais de là à dire qu'une baisse significative est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à tant de trimestres, c'est un pas que je ne peux franchir : le caractère « significatif » de la baisse dépend non seulement de sa durée, mais aussi de son importance. Une petite baisse sur trois mois peut être beaucoup moins ennuyeuse qu'une baisse significative sur un seul mois qui aura un impact sur le chiffre d'affaires de l'ensemble de l'année.

Je comprends qu'on veuille clarifier les choses, mais les choses ne sont-elles pas claires aujourd'hui ? D'abord, je constate que le licenciement économique ne représente que 2,5 % du contentieux du licenciement, le licenciement pour motif personnel 40 %. Pourquoi changer les règles d'une institution qui fonctionne ? Car je tiens le faible volume du contentieux comme la preuve d'un bon fonctionnement.

Ensuite, y a-t-il véritablement un danger lié au mode d'appréciation des motifs économiques du licenciement ? Lorsqu'ils sont en face d'un effondrement du chiffre d'affaires ou même d'une baisse significative des commandes, et qu'ils n'ont pas le sentiment que les choses sont manipulées – car il peut se produire des cas de fraude, mais cette question a été réglée –, les juges, tant ceux des conseils de prud'hommes que ceux des chambres sociales des cours d'appel, refusent de considérer qu'il n'y a pas de cause réelle et sérieuse si celle-ci est contestée.

Quel est le vrai problème du licenciement économique du point de vue juridique ? C'est la complexité des choses : il faut prendre en considération d'abord les motifs économiques, puis la notion de suppression de postes ou de restructuration, ensuite l'obligation de reclassement, enfin la question de l'ordre des licenciements. Autrement dit, quatre éléments successifs qui ont chacun leur périmètre et doivent être appréciés à des moments différents… C'est une source de problèmes, car les petits employeurs notamment peuvent se tromper dans la rédaction de la lettre de licenciement. Parfois, la sanction est motivée non pas par l'absence de cause économique, mais par l'oubli d'un critère essentiel dans la lettre.

D'une manière générale, les condamnations sont surtout obtenues pour insuffisance de l'employeur au regard de son obligation de reclassement. Mais sur la cause économique elle-même, très peu de condamnations sont prononcées : la jurisprudence est désormais stabilisée et les périmètres bien arrêtés.

On veut envoyer un message positif aux PME et aux TPE, mais on est en train de donner un coup d'épée dans l'eau et de rendre plus compliqué encore ce qui l'était déjà beaucoup. Je suis très réticent non pas sur l'amendement – car il faut évidemment revenir sur ce qu'a fait le Sénat –, mais sur l'opportunité même de toucher au droit du licenciement économique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion