Intervention de Ibrahim Aboubacar

Réunion du 30 juin 2016 à 21h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Le présent amendement concerne l'extension du code du travail de droit commun au département de Mayotte. Cette grande affaire occupe les partenaires sociaux depuis le mois d'octobre dernier. Je dépose ici le même amendement qu'en première lecture et qui n'a pas été voté du fait de l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, mais que la ministre m'avait promis de reprendre à son compte à l'occasion de l'examen du texte par le Sénat. En effet, plusieurs des dispositions que je proposais ont été reprises au Sénat, à travers l'article 52 bis A, mais, telles qu'elles sont rédigées, elles posent des problèmes que je souhaite vous exposer et qui m'ont conduit à ce nouveau dépôt.

Un amendement sénatorial a ajouté à l'article 52 bis A un I qui définit un dispositif de concertation locale qui va semer la confusion. La concertation locale a en effet déjà été lancée il y a trois mois et un fonctionnaire a été nommé par le ministère du travail à cette fin à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Or ce I, qui évoque les organisations professionnelles « habilitées à négocier », une expression, au passage, tout à fait confuse, risque de semer le désordre du fait, je le répète, qu'une concertation est déjà engagée sur place et qui obéit à un calendrier de travail des plus précis. Qui plus est, cette disposition ne se limite pas seulement à l'extension du code du travail de droit commun mais concerne, ce qui est tout autre chose, la deuxième partie de l'habilitation donnée l'année dernière concernant le travail, l'emploi et la formation professionnelle. Il me semble par conséquent prudent de supprimer ce nouveau dispositif de concertation qui n'apportera rien, d'autant plus que, localement, en temps ordinaire, le code du travail applicable prévoit une commission consultative du travail – structure ordinaire de consultation des partenaires sociaux qui fonctionne depuis vingt ans.

En deuxième lieu, dans le III de l'article 52 bis A, le Gouvernement reprend quasiment mot pour mot les dispositions de l'article 76 de la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer qui l'habilitait déjà à étendre le code du travail, sauf qu'ici on ajoute cinq mois au délai prévu. En effet, l'habilitation dont dispose le Gouvernement actuellement court jusqu'au 15 avril 2017. Or, réclamer cinq mois supplémentaires permettrait d'attendre jusqu'au mois de septembre. J'appelle votre attention sur le fait qu'étendre le code du travail à Mayotte au 1er janvier 2018 et retarder jusqu'à quelques mois avant cette échéance le moment où les partenaires sociaux, les entreprises connaîtront les dispositions retenues est très dangereux. Nous en avons déjà fait l'expérience avec le code des impôts, étendu en 2014 et rendu applicable au mois de septembre, sans qu'aucun acteur n'ait eu le temps de se préparer. Or il faudra bien un temps de préparation, d'autant qu'après la publication de l'ordonnance, il restera à rédiger les décrets d'application. Cette prolongation est par conséquent inappropriée, n'apporte rien, et fait courir le risque d'une publication trop tardive d'un texte auquel les partenaires sociaux et les entreprises n'auront pas eu le temps de se préparer.

Troisièmement, et contrairement à mon amendement tel que je l'avais rédigé pour la première lecture, le texte que nous examinons ici ne prévoit pas la suppression du code du travail actuellement en vigueur à Mayotte. Autrement dit, le II de l'article prévoit l'extension du code du travail de droit commun à Mayotte, mais sans préciser que le code aujourd'hui utilisé est abrogé. Aussi deux codes du travail vont s'appliquer. On m'a expliqué que c'était pour éviter qu'il n'y ait des « trous ». Mais à vouloir éviter qu'il y ait des « trous » en laissant coexister deux codes du travail, c'est la confusion que l'on va semer chez les praticiens du code du travail, qu'ils soient chefs d'entreprise ou autres. Il faut par conséquent abroger le code du travail local, étendre le code du travail de droit commun et prévoir que l'ordonnance dise les dispositions d'adaptation.

Pour toutes ces raisons, l'article 52 bis A tel qu'il a été rédigé par le Sénat est de nature à semer le doute dans les esprits. Autant, donc, rédiger un texte clair et net comme je vous le propose :

« La partie législative du code du travail applicable à Mayotte est abrogée à partir du 1er janvier 2018.

« À partir de cette date, la partie législative du code du travail est applicable dans le département de Mayotte, dans sa version en vigueur à cette date, sous réserve des dispositions législatives éventuellement prises pour son adaptation aux spécificités dudit département. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion