Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, co-rapporteur :

Depuis la crise économique, les dysfonctionnements identifiés en Europe apparaissent de plus en plus insupportables. Les réflexions du groupe de travail s'inscrivent dans un contexte de « polycrises » - pour reprendre les termes du Président de la Commission européenne. L'Europe doit, pour aborder sereinement son avenir, relever plusieurs défis d'envergure. Confrontée à une crise économique dont les conséquences sont encore perceptibles dans certains États membres, notamment s'agissant des dimensions sociales, l'Union européenne est aujourd'hui en proie à une crise de légitimité qui, si elle n'est pas franchement nouvelle, devient de plus en plus préoccupante.

Le déficit démocratique au sein de l'Union européenne, véritable serpent de mer de la construction européenne depuis ses origines, semble plus que jamais palpable, dans un contexte où les critiques et les ressentiments vis-à-vis de l'Europe ne cessent de croître.

Le hiatus, de plus en plus profond, et - semble-t-il – durable qui semble s'être installé entre l'Europe et ses populations se manifeste notamment par un sentiment croissant d'euroscepticisme ou d'europhobie, nourri par de multiples incompréhensions conduisant, dans les situations les plus extrêmes, à un franc rejet des solutions qui semblent imposées, par « Bruxelles ». Ce sentiment est particulièrement perceptible dans le domaine de la gouvernance économique.

La crise économique a mis en exergue certains dysfonctionnements devenus problématiques. La réponse apportée à la crise grecque pour tenter d'éteindre l'incendie qui risquait de se propager à l'ensemble de la zone euro a mis en concurrence deux autorités dont les légitimités, différemment perçues, ont été mises en cause.

À la légitimité réputée acquise des institutions européennes et des créanciers à gérer une crise de nature économique s'est opposée celle d'un gouvernement nouvellement élu, en grande partie à l'issue d'une campagne faisant du rejet des solutions « européennes » son principal fer de lance et refusant la suprématie de la « troïka ». Deux logiques se sont ainsi affrontées : d'un côté, une logique froidement « rationnelle », celles des marchés et des financiers, exigeant de la Grèce des réformes d'envergure pour éviter la contagion de la crise à d'autres États membres de l'Union économique et monétaire et restaurer, in fine, la crédibilité de l'État grec ; de l'autre, une logique plus « démocratique », incarnant les intérêts nationaux d'une population dont les conditions de vie, très fortement dégradées par les mesures d'ajustement structurel exigées, rendaient difficile l'adhésion aux solutions venues d'ailleurs.

La gestion de la crise grecque par l'Europe nous enseigne au moins deux choses : elle nous rappelle, tout d'abord, à quel point les économies européennes et, en particulier, celles de la zone euro, sont interdépendantes et interconnectées et souligne ensuite, une nouvelle fois, le déficit démocratique dont souffre la gouvernance économique européenne.

Les élargissements successifs ont – mécaniquement – rendu plus complexes les processus de décision dans une Europe où la convergence des économies, voulue et encouragée de manière constante depuis plus de trente ans, n'est, malheureusement, pas allées aussi vite ni aussi loin qu'escompté.

Aujourd'hui, le constat est sans appel et relativement unanime : le cadre de la gouvernance économique n'est pas satisfaisant. Ses insuffisances à assurer une réelle convergence des économies et ses défaillances à garantir une coordination des politiques et des situations économiques sont apparues insupportables au lendemain de la crise économique et financière.

Récemment renforcée, notamment à partir de 2010, la gouvernance économique demeure peu lisible pour les citoyens et semble, en outre, insuffisamment démocratique. La coexistence des procédures de surveillance multilatérale et des instances de décisions, formelles ou informelles, contribuent à brouiller un paysage économique institutionnel déjà opaque à certains égards. Les citoyens peuvent-ils, dans leur grande majorité, identifier aujourd'hui par qui sont prises les décisions les plus importantes et les plus déterminantes pour la zone euro ? Par les chefs d'État et de gouvernement, réunis lors des Conseils européens, les représentants des États membres réunis en session ECOFIN du Conseil ou par l'Eurogroupe ? Les citoyens européens sont, par ailleurs, en droit de se demander pourquoi le Parlement européen ne joue, en la matière, aucun rôle décisif ?

Par ailleurs, l'instabilité de la zone euro est due à l'absence de politiques économiques coordonnées. L'UEM ne marche sur une seule jambe, le monétaire. La coordination des politiques économiques, fiscales et sociales est donc nécessaire.

La crise économique et financière a profondément ébranlé l'espace économique et financier européen et durement mis à l'épreuve la solidarité entre États membres. Depuis lors, les observateurs portent un regard inquiet sur l'avenir de l'Europe et, plus particulièrement, de la zone euro.

Or, depuis, le besoin et la volonté de réformes sont véritablement perceptibles, même s'il est vrai que les premières réalisations peinent, comme souvent, à se concrétiser. Le Brexit et la situation, inédite, qui s'ouvre aujourd'hui jusqu'à la sortie effective de l'Union européenne de l'un de ses membres constituent une injonction pour les autres États à se rapprocher et à (re)donner au projet européen le sens et la direction qui lui font aujourd'hui défaut.

Ainsi, dans cette perspective, le contexte post-crise et le Brexit constituent-ils une opportunité sans précédent de réviser les traités et de formuler des propositions ambitieuses.

Au plan européen, le renouvellement de la Commission européenne en 2014 et l'arrivée à sa tête d'un président volontaire et dynamique a contribué à faire de la question de la gouvernance économique en Europe une priorité de moyen-long terme nécessitant de mener une réflexion ambitieuse et pragmatique sur l'avenir de l'Union et, en son sein, sur les évolutions à apporter pour approfondir l'Union économique et monétaire.

Dans ce contexte, le rapport dit des « cinq présidents » , publié le 22 juin 2015, illustre le consensus qui se dégage, tant sur le besoin de réformes de l'Europe que sur les grandes orientations à donner pour avancer sur la voie d'une plus grande intégration. En identifiant trois phases pour aboutir, à terme, à horizon 2025, à une Union économique et monétaire « complète », le rapport préconise des réformes de plus ou moins grande ampleur à mettre en place.

Louable dans ses intentions, le rapport demeure toutefois relativement évasif sur les propositions de plus long terme nécessitant de véritables changements en Europe. La nécessité de parvenir à un processus de convergence plus contraignant est ainsi évoquée sans détailler les moyens d'y parvenir. La Commission européenne devrait toutefois présenter, au printemps 2017, un livre blanc décrivant les prochaines étapes que pourrait suivre l'Union économique et monétaire sur la voie de sa plus grande intégration. C'est la raison pour laquelle il nous semble important de tâcher d'apporter une contribution nationale parlementaire en amont des propositions qui pourront être formulées par les institutions européennes.

Quelques propositions ont déjà été esquissées pour l'avenir de l'Union économique et monétaire. Notamment évoquée dans le rapport des « cinq présidents », la thématique de la gouvernance économique européenne fait, depuis plus d'un an, l'objet de discussions plus ou moins abouties et un certain nombre de propositions ont d'ores et déjà essaimé dans l'espace public, émanant tant de personnalités politiques – y compris au plus haut niveau de l'État (cf. déclaration du Président de la République François Hollande sur un Parlement de la zone euro), que d'universitaires ou de représentants de la société civile.

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