Intervention de Philip Cordery

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilip Cordery, co-rapporteur :

Nous avons souhaité vous faire part, aujourd'hui, des grandes orientations que nous entendons donner à nos travaux. L'avenir de l'Union économique et monétaire pose un certain nombre de questions auxquelles il conviendra de répondre.

De manière générale, nous sommes – évidemment – favorables à un approfondissement de l'Union économique et monétaire, à une amélioration de son fonctionnement ainsi qu'au renforcement de son caractère démocratique. Il s'agit là de la principale orientation que nous souhaitons donner à nos travaux : opter pour des solutions ambitieuses synonymes d'une plus grande intégration économique au sein de la zone euro. Il convient alors de décider quel pourraitdevrait être le champ de cette zone d'intégration différenciée.

Sur le périmètre de l'intégration différenciée. Il nous faudra tâcher de déterminer quel est, quel sera, le champ privilégié d'une intégration européenne renforcée, si celle-ci peutdoit être unique ? L'ensemble des pays de la zone euro sont-ils prêts à cette plus grande intégration ? Sinon, faut-il privilégier un recentrage de la dynamique européenne sur les membres fondateurs de l'Union européenne, au risque de marginaliser certains de nos partenaires ? Faut-il envisager de créer plusieurs cercles concentriques dans lesquels les niveaux d'intégration seraient différents ? Quelles relations entretenir avec les autres pays membres qui ne feront pas partie de lade l'une des sphère(s) d'intégration approfondie ?

Sur les domaines de l'intégration renforcée. La prédominance des questions économiques et financières sur la construction européenne, souvent décriée, devrait-elle s'accompagner d'une coopération plus étroite sur d'autres sujets ? Nous pensons qu'il est essentiel pour la stabilité de la zone monétaire de traiter les dimensions sociale et fiscale de l'intégration européenne. Faudra-t-il aller plus loin ? L'intégration différenciée de la zone euro peut-elle, doit-elle être le moteur d'une intégration différenciée dans d'autres domaines ?

Sur les méthodes de la construction européenne. Les débats sur l'avenir de l'Union économique et monétaire peuvent également être l'occasion de revenir sur les méthodes traditionnellement associées à la construction européenne. Il est de coutume d'identifier, et de les opposer, la méthode intergouvernementale et la méthode communautaire. Si l'une comme l'autre sont utilisées aujourd'hui, la crise économique a considérablement renforcé la dimension intergouvernementale de la gouvernance économique. Il est possible de s'interroger sur l'avenir de ces méthodes dans une Union économique et monétaire renforcée.

Ces réflexions ne pourront pas ignorer que, dans un cas comme dans l'autre, les parlementaires – qu'ils soient européens ou nationaux – semblent être insuffisamment présents – voire complètement absents – des dynamiques aujourd'hui à l'oeuvre. Il nous semble ainsi important que le renforcement de la dimension démocratique de l'Union économique et monétaire et de la gouvernance économique se fasse par une plus meilleure association des parlementaires aux processus de décision. Dans cette perspective, il nous faudra aussi évaluer le fonctionnement de la nouvelle conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique prévue par l'article 13 du TSCG.

Par ailleurs, le « moteur franco-allemand » peut-ildoit-il continuer à être le métronome donnant la mesure des avancées de l'intégration européenne ? Les positions aujourd'hui difficilement conciliables de nos deux pays, en particulier s'agissant d'une intégration économique renforcée en zone euro, sont-elles surmontables ?

Nos travaux s'appuieront sur les deux constats principaux et récurrents suivants, qui constitueront sans doute la base de nos réflexions : la coordination des politiques économiques en Europe présente de sérieux dysfonctionnements et le cadre de la gouvernance économique est insuffisamment démocratique.

Plusieurs pistes, à forte coloration économique et institutionnelle, souvent entremêlées, seront ainsi étudiées dans nos travaux.

Au plan économique, les insuffisances, devenues particulièrement visibles pendant et depuis la crise, des processus de coordination des politiques économiques au sein de l'Union européenne nécessitent des réformes ambitieuses. L'alternative, en la matière, semble pouvoir se résumer ainsi : faut-il plus de coordination et une meilleure coordination des politiques économiques – budgétaires en l'occurrence – nationales ou faire un pas de plus vers l'intégration économique et créer un « budget » ou une capacité budgétaire pour la zone euro ?

Les premières auditions menées sur le sujet ont d'ores et déjà conforté ce que nous pressentions : la coordination telle qu'elle fonctionne aujourd'hui n'est pas satisfaisante alors que le besoin de convergence et de coordination est indiscutable dans une zone économique intégrée.

Sur l'opportunité de créer un budget pour la zone euro. Faut-il créer un budget ou préférer un autre instrument de stabilisation macroéconomique aux effets similaires ? La création d'un budget nécessite d'importants partages de souveraineté. Cette solution est-elle réaliste et véritablement envisageable dans le contexte actuel ? Une fois la question de l'opportunité tranchée, de nombreuses questions se posent : quel montant, quelle composition, quelle vocation pour ce budget ? Comment sera-t-il financé ?

De manière générale, outre l'aspect symbolique d'une plus grande intégration et solidarité au sein de l'Union économique et monétaire, un budget fournirait à la zone euro un mécanisme de stabilisation économique. Toutefois, à défaut de parvenir à doter l'Union économique et monétaire d'une capacité budgétaire, des réflexions s'amorcent également, en parallèle, sur les mécanismes pouvant, à l'instar d'une assurance chômage européenne, produire des effets similaires en matière de stabilisation.

Encore insuffisamment précises à ce jour, les propositions visant à instaurer un Trésor de la zone euro pourront également faire l'objet de réflexions dans le cadre du groupe de travail. Cette proposition, évoquée dans le rapport des « cinq présidents », permettrait d'assurer à la fois une plus grande responsabilité et légitimité démocratiques aux décisions prises plus collectivement en matière de politique budgétaire.

Sur l'opportunité de créer un Ministre des Finances de la zone euro. L'idée d'un ministre européen des finances, autorité politique chargée de protéger les intérêts économiques et budgétaires de la zone euro dans son ensemble a été notamment évoquée par Bernard Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne et Emmanuel Macron, en août et septembre 2015.

Le commissaire européen Pierre Moscovici s'est également prononcé en faveur d'un Ministre des Finances de la zone euro, lequel pourrait être également membre de la Commission européenne. Il conviendra donc d'apprécier quels pourraient être le rôle et les compétences d'une telle institution.

Sur l'opportunité de créer un Parlement de la zone euro. Notamment formulée par le Président de la République français en juillet 2015, cette proposition reste encore très largement à préciser. Quel seraient son rôle, sa composition, ses rapports avec les autres institutions européennes et, en particulier, avec le Parlement européen ?

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