Intervention de Gilles Savary

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Je voudrais remercier nos collègues de ce travail qui sera un travail de longue haleine, qui s'inscrit dans des réflexions anciennes et qui se heurte malheureusement à la terrible réalité des choses. En effet, nous évoquons l'idée d'une intégration nouvelle mais nous n'avons pas de majorité très claire pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires, et ce dans aucun domaine.

Ce que je constate, c'est que la zone euro est légitime pour être, s'il existe un jour, le champ d'une intégration supplémentaire et plus approfondie. La monnaie est, de ce point de vue-là, un lien indissoluble et elle suppose des régulations qui n'ont pas été mises en place. L'ensemble des économistes expliquent en effet une partie des crises de divergence et des crises budgétaires en zone euro par le fait qu'il n'y a pas, dans une zone monétaire unique, de régulation budgétaire unique. Nous avons mis en place un placebo, nommé Traité sur la stabilité la Coordination et la Gouvernance, qui est intergouvernemental, renforcé le contrôle budgétaire avec le Six pack, le Two pack : en somme, des procédures lourdes pour faire régner une discipline budgétaire qui peine d'ailleurs à s'imposer.

Je pense que si nous voulons sauver l'euro, indépendamment de toute approche philosophique de la construction européenne, nous devrons resserrer la régulation. Ainsi, il semble que l'Euro invite à un pas d'intégration supplémentaire. Je suis également de ceux qui pensent que la génération d'après Mitterrand et Kohl ne l'a pas fait et les conséquences se retrouvent aujourd'hui. Nous avons laissé dériver les choses, nous avons laissé pédaler le vélo intergouvernemental et laisser tomber le vélo intégrateur ou communautaire, ce qui nous arrive était donc prévisible. Un lien avait été fixé par Mitterrand et Kohl et il manquait le lien supplémentaire pour que l'édifice tienne.

Je pense que cette réflexion est très franchement télescopée par ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, ce qui nous amène d'abord à une réflexion sur l'avenir de l'Union. Je pense également qu'il n'est pas possible de faire l'impasse sur la tonalité de l'Assemblée nationale qui s'est exprimée hier, tonalité quasi unanimement à tout le moins intergouvernementale, voire nationale régressive. Que l'on adhère ou pas aux propositions qui ont ou être formulées, il va nous falloir les prendre en compte et je crois que nous dans une phase de dynamique intergouvernementale.

Dans ce cadre, il nous fait réfléchir et débattre d'un certain nombre de questions. N'y aurait-il pas des choses qu'il faut remettre aux nations ? N'y en aurait-il pas quelques-unes, très rares, qu'il faudrait remonter à Bruxelles ? Je connais l'ambiguïté et le double discours ambiant. Tout le monde pense qu'il faut faire l'Europe de la défense, sous-entendez, à condition que nous gardions notre souveraineté militaire. Donc, il n'y a pas d'Europe de la défense. D'un autre côté, on entend qu'il faut faire l'Europe sociale, à condition qu'il y ait un salaire minimum français, la retraite par répartition française, les allocations familiales françaises et tout en gardant le même niveau d'indemnisation qu'en France. Nous évoquons également une Europe des frontières. Peut-être qu'elle sera plus facilement réalisable sous la contrainte des événements qui ne font que commencer et qui seront permanents. Il sera nécessaire, à terme, de définir une politique d'asile, une politique migratoire communes. Cela interpelle aussi des souverainetés et des questions sensibles comme celle de la nationalité.

Bruno Gollnisch nous disait tout à l'heure qu'il faut réaliser des choses concrètes. Je connais son tropisme par rapport à l'Europe mais je suis de ceux qui pensent qu'elle met en oeuvre presque trop de choses concrètes. En réalité, nos citoyens ne supportent plus les normes, les petits détails, les fromages qu'il faut réfrigérer, l'oiseau qu'il faut protéger… Ce qui est fait par l'Europe aujourd'hui est vraiment concret. Je ne dis pas qu'il faut tout démanteler mais il faudrait peut-être un peu plus de subsidiarité dans certains domaines car on s'aperçoit que ce mode de fonctionnement ne marche pas si bien que cela et qu'il heurte les peuples.

Je pense, effectivement, qu'il faut que nous accélérions sur l'approfondissement de la zone euro et que nous posions des questions sur la sécurité, la défense et les frontières, probablement simultanément si ce n'est plus vite. Je trouve que la discussion sur la zone euro apparaît un peu académique quand elle est télescopée par le Brexit et je pense qu'il faudra peut-être la replacer dans quelque chose de plus vaste. En tout état de cause, il ne faut pas l'abandonner.

Je souhaiterais terminer sur la démocratisation. C'est un sujet très important mais je me permets de suggérer qu'il ne faut pas penser démocratisation en pensant Parlement. On a tendance à dire, lorsqu'il faut démocratiser les choses, qu'il faut un Parlement. Je pense que nous sommes, hélas, au-delà du miroir : c'est-à-dire que les parlementaires eux-mêmes ne sont pas reconnus comme des éléments de démocratisation. Il faudra réfléchir à quelque chose d'autre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion