Pour commencer, je précise que, comme toutes les personnes collaborant à la revue Prescrire, je n'ai aucun lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique ni avec aucune entreprise du domaine de la santé. Notre revue, faite pour et par des professionnels de la santé, est largement consacrée aux médicaments, puisque ceux-ci constituent une part importante des traitements prescrits par les médecins, et fonctionne sans aucune subvention ni publicité – elle n'est financée que par ses abonnements.
L'un des problèmes auxquels sont confrontés les médecins et les pharmaciens est l'arrivée de nouveaux médicaments, que les laboratoires décrivent souvent parés de toutes les vertus. L'information disponible sur les médicaments étant largement soumise à l'influence des firmes pharmaceutiques, il importe de pouvoir disposer d'un regard critique, capable de faire contrepoids à l'information officielle, historiquement faible. Par ailleurs, les effets indésirables des médicaments paraissent souvent un peu négligés, en particulier en ce qui concerne les nouveaux produits.
Au cours des années 2000, nous avons vu les firmes pharmaceutiques constituer des dossiers d'autorisation de mise sur le marché pour plusieurs médicaments destinés au marché de la fibromyalgie. Nous avons alors pensé qu'il serait utile aux abonnés de Prescrire de faire le point sur cette maladie et ses traitements, en particulier sur les nouveaux médicaments qui étaient annoncés. En 2008, nous avons publié une synthèse de quelques pages sur ce thème, d'où il ressortait qu'il y avait peu à attendre des médicaments pour ce syndrome. Les antalgiques classiques sont peu efficaces et ont des effets indésirables. Quant aux autres médicaments – des antidépresseurs et des anticonvulsivants, ou antiépileptiques –, ils apparaissaient soit peu évalués, soit ayant peu d'efficacité, mais produisant des effets indésirables – ceci ayant été déterminé au terme d'études effectuées sur quelques semaines ou quelques mois seulement, alors que la fibromyalgie est un problème de santé chronique.
Si certains de ces médicaments ont été autorisés aux États-Unis et au Canada, aucun ne l'a été en Europe, ce qui nous a semblé raisonnable compte tenu de leur dossier d'évaluation. En vue de cette audition, j'ai cherché à faire le point à partir d'autres synthèses méthodiques – en l'occurrence celles du réseau Cochrane – et, ce faisant, j'ai eu l'impression que l'évaluation plutôt médiocre faite dans les années 2000 se confirmait : les médicaments étudiés, qui sont souvent des psychotropes, ne sont pas efficaces, ou le sont très peu, pour soulager les symptômes de la fibromyalgie, alors qu'ils ont des effets indésirables importants et sans doute encore sous-estimés – dans ce domaine, la connaissance progresse lentement.