La revue Prescrire ne dispose pas de moyens particuliers pour étudier les consommations de médicaments. Le rapport d'orientation de la HAS auquel vous faisiez allusion présentait des données relatives aux ventes de médicaments qui étaient sans doute fiables, et la situation ne semble pas avoir évolué depuis. Étant donné le peu d'efficacité des solutions dont ils disposent, il est probable que les patients et les soignants sont conduits à tâtonner en essayant plusieurs médicaments, auxquels chacun réagit en fonction de sa sensibilité personnelle, qui le conduit à trouver tel ou tel médicament un peu plus efficace ou un peu moins nocif qu'un autre.
Les médicaments prescrits sont d'abord les antalgiques classiques – le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les opioïdes plus ou moins forts –, dont aucun n'est vraiment satisfaisant ; au demeurant, même s'ils étaient efficaces, ces antidouleurs ne constitueraient que des médicaments palliatifs.
On a également recours à certains antidépresseurs et certains anticonvulsivants. L'évaluation des antidépresseurs de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine – des antidépresseurs classiques, très prescrits – a mis en évidence des effets indésirables, mais pas d'efficacité. Pour ce qui est des inhibiteurs de la noradrénaline – la duloxétine et le milnacipran, autorisés aux États-Unis –, le dossier d'évaluation fait apparaître une efficacité minime et limitée à certains symptômes de la maladie, ainsi que des effets indésirables, et cette appréciation datant du début des années 2000 est restée inchangée à ce jour.
Parmi les anticonvulsivants, on trouve la prégabaline, qui présente une petite efficacité sur la douleur et peut-être également sur le sommeil. Les autres médicaments ont manifestement été peu évalués ou, lorsqu'ils l'ont été, n'ont semblé présenter aucun intérêt.
Pour ce qui est de la toxicité de ces différents médicaments, on observe lorsqu'ils sont prescrits dans le cas d'une fibromyalgie les mêmes effets que dans d'autres situations. Le paracétamol, antalgique de première intention, est d'une efficacité modeste, mais réelle, et ses effets indésirables sont très acceptables du moment que l'on ne dépasse pas le maximum recommandé, à savoir trois à quatre grammes par jour chez l'adulte ; au-delà, le paracétamol présente une toxicité pour le foie qui devient rapidement très sérieuse.
Parmi les anti-inflammatoires non stéroïdiens, quelques-uns émergent du lot en présentant une toxicité digestive et cardiovasculaire plutôt moindre – c'est le cas de l'ibuprofène ou du naproxène à dose raisonnable. À l'inverse, certains sont plus dangereux que les autres : je pense aux coxibs, apparus dans les années 2000 – le rofécoxib a ainsi été retiré du marché, de même que le nimésulide, en raison de sa toxicité hépatique. La nocivité de ces médicaments peut consister en une toxicité digestive ou cardiovasculaire, en un risque d'insuffisance rénale ou des problèmes cutanés – des risques survenant peu fréquemment, mais qui finissent par toucher un grand nombre de patients quand les médicaments sont pris de façon chronique.
Les antidépresseurs ont des effets cardiovasculaires – antiagrégants ou hypertenseurs, notamment – et peuvent provoquer des réactions allergiques. Ils ont évidemment de nombreux effets neuropsychiques et peuvent provoquer une certaine dépendance qui doit inciter à les prescrire avec retenue, car une proportion notable de patients ressent, lors de l'arrêt du traitement, un syndrome de sevrage pouvant conduire à reprendre le traitement en dépit de son inefficacité.
Si la prégabaline est un anticonvulsivant plutôt mieux toléré que d'autres, elle peut tout de même provoquer des effets neuropsychiques, des oedèmes et des prises de poids. Je précise que l'énumération des effets indésirables des médicaments à laquelle je procède n'a rien d'exhaustif : pour connaître la liste complète de ces effets, il est nécessaire de consulter la fiche détaillant les caractéristiques des médicaments concernés, ou leur notice d'utilisation. Enfin, il faut être conscient de la faiblesse de l'évaluation des effets au long cours de ces médicaments pour les personnes qui seraient amenées à les prendre durant plusieurs années. Il n'est pas impossible que la médication de la fibromyalgie nous réserve de mauvaises surprises dans les années qui viennent, avec la révélation d'effets ne survenant qu'au long cours.