Je vous dirai la vision qu'a la DGOS de l'organisation de l'offre de soins pour la fibromyalgie, maladie caractérisée par des douleurs diffuses chroniques accompagnées d'une fatigue souvent intense et de troubles du sommeil, fréquemment associées à une anxiété ou une dépression. Elle a été reconnue en 1992 par l'Organisation mondiale de la santé comme une maladie rhumatismale, puis, en 2006, comme une entité nosologique indépendante à laquelle a été attribué un code spécifique de la classification internationale des maladies. La prise en charge globale de la fibromyalgie a fait l'objet de recommandations internationales en 2007, et en juillet 2010 d'un rapport d'orientation – recensement des connaissances plutôt que recommandations à proprement parler – de la Haute Autorité de santé (HAS).
Les mesures visant à organiser la prise en charge de ce syndrome doivent satisfaire trois objectifs. Le premier est le repérage du syndrome lors des soins primaires. Il est rendu difficile par l'absence de symptômes spécifiques et par une prévalence peu élevée en médecine générale : selon les données du panel ThalesCegedim de 2008, qui est le dernier disponible, les médecins généralistes posent le diagnostic de fibromyalgie pour trois patients par an, soit 0,2 % de leur activité, contre 2 % pour les rhumatologues libéraux. Cela montre à quel point il est nécessaire, pour ne pas laisser des personnes atteintes de fibromyalgie non reconnues, de former et d'outiller les professionnels de santé.
Le second enjeu est celui du diagnostic positif, qui inclut nécessairement un temps de diagnostic différentiel avec des maladies aux expressions cliniques voisines. Cela suppose d'orienter les patients vers les services de médecine interne ou de rhumatologie ou vers les rhumatologues libéraux ayant une expertise sur ce plan.
Le troisième enjeu est celui d'une prise en charge thérapeutique spécifique, qui nous paraît devoir être multidisciplinaire. Le traitement pharmacologique de la douleur peut être engagé au mieux dans les structures d'étude et de prise en charge de la douleur chronique (SDC) qui, selon deux enquêtes convergentes de ce qui était alors la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins – devenue la DGOS – et de la HAS, consacrent 11 % de leur activité aux patients pour lesquels le diagnostic de fibromyalgie a été porté. Mais à ce traitement doivent être associés les traitements non pharmacologiques que sont les soins psychologiques et les médecines complémentaires dites aussi médecines alternatives. Cela implique la coopération entre soignants, particulièrement entre médecins généralistes et SDC, et l'utilisation raisonnée des médecines complémentaires ; le professeur Jean Sibilia, vice-président de la conférence des doyens des facultés de médecine, avec qui je me suis entretenu en préparant cette audition, nous a indiqué projeter la création d'un observatoire des médecines complémentaires, ce qui permettrait de progresser sur ce plan.
De ces enjeux multiples découle la nécessité de mobiliser les acteurs à ces différents niveaux et d'organiser leur coordination plutôt que de créer une filière spécifique de la fibromyalgie. Cela correspond à la préconisation de la HAS visant à organiser une prise en charge précoce et graduée, reprise à l'article 68 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 qui ajoute aux missions du médecin généraliste de premier recours celle « d'administrer et coordonner les soins visant à soulager la douleur », précisant que, « en cas de nécessité, le médecin traitant assure le lien avec les structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur ».