Intervention de Fabien Choné

Réunion du 11 mai 2016 à 16h00
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Fabien Choné, directeur général délégué de Direct énergie :

Avec 1,7 million de sites clients, dont trois quarts pour l'électricité et un quart pour le gaz, Direct Énergie est le troisième fournisseur d'électricité et de gaz en France. 80 % sont des clients résidentiels et 20 % des clients professionnels. Nous sommes également producteurs d'électricité ; nous exploitons une centrale à gaz située dans le centre de la France.

Le projet a été estimé équilibré aux bornes du distributeur. Se pose toutefois la question du point de vue économique face au point de vue financier : on a bien vu que les économies seront réalisées sur le long terme mais que cela exige d'investir au départ ; d'où une problématique d'endettement, qu'il faudra assumer. Mais le consommateur ne verra rien de tout ce montage.

J'ai entendu dire que ce serait gratuit. Terme simple, sinon simpliste… Comme M. Mouchnino, je ne pense pas que ce sera vraiment gratuit. Cela étant, il n'y aura pas de surcoût pour le consommateur.

Mais faut-il lancer un projet s'il est seulement équilibré ? En fait, son intérêt, sa rentabilité, allais-je dire, tient au fait qu'il apporte bien plus qu'aux simples bornes du distributeur. Mais ces avantages sont difficilement évaluables. Pour ce qui est du consommateur, des études, menées par Capgemini, ont montré que les avantages en matière de maîtrise de l'énergie restent aléatoires, qu'ils dépendront de la manière dont sera mis en oeuvre le programme. Ils dépendront aussi de la façon dont la concurrence pourra se développer : plus elle sera favorisée en France – ce qui n'est pas le cas actuellement – plus on verra apparaître des innovations et des nouveaux services qui permettront de réaliser ces économies. Autrement dit, il y a un lien réel entre le développement de la concurrence et la rentabilité du projet Linky.

Reste que ce sera au regard des avantages pour le consommateur que les projets Linky et Gazpar pourront basculer dans la catégorie de ceux qui relèvent de l'intérêt collectif.

Le rapport d'activité de 2014 du médiateur de l'énergie indique que 62 % des litiges qui lui sont soumis ont concerné les niveaux de consommation facturés par les fournisseurs ; seulement 6 à 7 % des litiges ont porté sur les conditions de règlement, la présentation de la facture, le niveau du tarif.

Ces litiges ont deux causes principales. Première cause, les index estimés. Il n'y en aura plus : les compteurs intelligents nous permettront de facturer nos clients à partir d'index dits vrais. Mais il y a aussi les index erronés, autrement dit relevés par le distributeur, mais avec une erreur, parce que tout cela reste, dans la plupart des cas, une opération manuelle. Cela m'est même arrivé personnellement il y a quelques semaines : un technicien a relevé sur mon compteur d'électricité l'index « 80 877 » au lieu de « 30 877 ». Soit un écart de 50 000 kilowattheures… à 150 euros le kilowattheure, faite le calcul ! Heureusement, j'ai pu m'arranger facilement avec mon fournisseur – vous aurez certainement deviné qui est mon fournisseur. (Sourires). Ce genre de mésaventure rend la relation entre le client et le fournisseur d'autant plus compliquée que le problème vient du distributeur. On est donc dans une relation tripartite qui, dans un nombre de cas croissant, aboutit à un litige auprès du médiateur. On estime que plus de la moitié des litiges – 62 % – pourront être réglés grâce au compteur communicant qui récupérera les informations très fréquemment et sans aucun risque d'erreur. En cas de litige, il faut écrire au médiateur, on ne récupère son argent que quelques mois plus tard, etc. Tout cela représente un coût pour le consommateur. À combien peut-on l'estimer ?

Autre avantage des compteurs intelligents, tout aussi difficile à évaluer, le confort qu'ils procurent. Plus de dérangement pour effectuer la relève vraie ; chaque consommateur est tenu d'être présent au moins une fois par an pour que le technicien puisse procéder à une relève vraie. Il vous faut également être présent si vous voulez changer d'offre tarifaire ou de puissance. Avec Linky, toutes ces démarches pourront désormais se faire à distance. À combien peut-on évaluer cela ? Dès lors que le projet est équilibré aux bornes du distributeur, on ne risque pas de perdre de l'argent, mais on y gagnera également beaucoup en termes de confort et d'efficacité.

Tout ce qu'a évoqué M. Julien Aubert s'ajoute à ces éléments. En 2004, on n'avait pas autant conscience de l'importance de la transition énergétique, du développement des énergies renouvelables et du réchauffement climatique. C'est pourquoi ERDF a accepté de faire évoluer le projet Linky, notamment en ce qui concerne la télé-information client. En 2004, le projet Linky prévoyait la même télé-information client qu'avec le compteur bleu électronique. Elle a depuis considérablement évolué : elle est maintenant alimentée, ergonomique et discrète.

Au-delà de ces considérations de confort, il y a aussi des avantages directement économiques. Ainsi, les puissances étaient jusqu'à présent souscrites de 3 kilowatts, pour des raisons de simplicité. Demain, avec le compteur Linky, on pourra souscrire des puissances par pas de 1 kilowatt. On estime que parmi les 20 millions de clients qui ont souscrit un contrat de 6 kilowatts, un gros tiers, soit 8 millions de clients, aurait besoin de seulement 4 kilowatts. En prenant un abonnement de 4 kilowatts au lieu de six, le consommateur pourra économiser 10 euros par an. Certes, cela paraît peu, mais si vous multipliez ce chiffre par 8 millions de clients – à supposer qu'ils le fassent tous –, vous obtenez quelque chose de conséquent.

Il sera également très difficile d'évaluer ce que les consommateurs vont gagner en faisant jouer la concurrence, aux travers des nouvelles offres tarifaires qui seront développées. Je rappelle qu'il existe aujourd'hui essentiellement deux options tarifaires : 20 millions de Français ont choisi l'option base et 10 millions l'option heures pleines-heures creuses. Grâce au compteur Linky, on pourra proposer de nouvelles offres tarifaires qui enverront les signaux économiques nécessaires pour assurer la transition énergétique. Là encore, le bénéfice pour le consommateur est difficile à évaluer, mais bien réel.

Sans parler des services de maîtrise de la demande en énergie et en puissance. Rappelons que ces services ne seront pas tous payants, et que les services payants ne seront pas nécessairement obligatoires. Si le consommateur choisit d'y souscrire, c'est qu'il y trouve un intérêt.

Il existe aussi des bénéfices difficilement quantifiables sur le parc de production électrique, grâce aux signaux économiques que l'on pourra envoyer au consommateur pour qu'il consomme moins et mieux. On pourra ainsi optimiser le réseau en termes de dimensionnement.

Le dernier bénéfice, là aussi difficile à évaluer, a trait au nombre d'emplois créés. On a développé des filières en termes de comptage et il ne faut pas oublier toute l'industrie du numérique. Je reviendrai sur ce point lorsque l'on abordera le troisième thème. Il est indispensable que le compteur Linky soit optimisé et rentabilisé en enregistrant les données qui permettent un maximum de bénéfice pour le consommateur.

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