Intervention de éric Baseilhac

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

éric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales des Entreprises du médicament, LEEM :

L'opinion publique nous interpelle à travers les médias sur la soutenabilité du système face à l'arrivée des innovations et sur la rationalité des prix. En d'autres termes, on nous demande comment les industriels fabriquent leurs prix et si les arbres peuvent monter jusqu'au ciel.

Le prix du médicament en France est administré, c'est-à-dire qu'il est fixé par l'État, à l'issue d'une négociation, souvent très longue, avec les industriels. Pour comprendre la manière dont ces derniers élaborent le prix qu'ils vont soumettre à la négociation, il faut comprendre que ce prix doit avant tout leur garantir la capacité de pouvoir continuer à investir dans la recherche et le développement de nouvelles innovations, afin d'alimenter, dans un cercle vertueux pour la société, le système de production du progrès thérapeutique.

Le parcours de recherche et développement d'un médicament est très long – là où il faut en moyenne six ans pour mettre au point un Airbus, il en faut douze pour un médicament –, très coûteux – il faut compter 1,5 milliard de dollars pour mettre au point une nouvelle molécule – et très risqué. C'est cette triple contrainte que les industriels intègrent dans le prix d'un médicament, et c'est pourquoi nous récusons toute construction analytique du prix d'un médicament. On ne peut en effet construire ce prix à partir de la somme des coûts de production, pas plus qu'on ne peut le construire à partir de l'évaluation des coûts de recherche et développement auxquels s'ajouterait la marge de l'industriel. Il est en effet impossible d'individualiser ces coûts par pays ou par produit : lorsqu'un industriel investit dans un « pipeline » d'innovations, il le fait dans le cadre d'une enveloppe globale.

Nous proposons donc une nouvelle lecture, transactionnelle et holistique, du prix du médicament, considéré comme la résultante des enjeux croisés défendus par tous les acteurs ayant légitimité à négocier le prix d'un médicament, à savoir le vendeur – c'est-à-dire l'industriel –, l'acheteur – en l'occurrence, le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui fait office de régulateur –, auxquels s'ajoute désormais un troisième acteur : les utilisateurs.

Considérant l'ensemble des attentes de ces trois acteurs, nous vous proposons trois pistes de réforme. En premier lieu, nous admettons, avec les associations de patients, que l'accès aux traitements innovants ne peut être la variable d'ajustement du coût de l'innovation ; en d'autres termes, tous les patients qui ont besoin d'une innovation doivent y avoir accès. Pour aller au-delà de l'incantation, nous proposons que chaque lancement d'une innovation de rupture s'accompagne d'un plan de diffusion, qui détermine avec précision et dans une perspective dynamique, c'est-à-dire sur la durée, les populations cibles. Nous proposons surtout que ces plans de diffusion intègrent les réformes organisationnelles du système de santé nécessaires pour que ces innovations arrivent dans les meilleures conditions d'efficience aux patients.

En second lieu, nous plaidons pour une meilleure prise en compte du bénéfice thérapeutique ajouté. Il est inconcevable en effet que certains prétendent décorréler le prix d'une innovation de sa valeur sociale, c'est-à-dire de ce qu'elle représente comme bénéfice pour la société. Il n'y a pas meilleure motivation en effet pour un industriel que la perspective d'être mieux rémunéré pour ces innovations, à hauteur du progrès thérapeutique qu'il apportera aux patients.

En troisième lieu, afin d'améliorer la démocratie sanitaire et de répondre à tous ceux qui nous interpellent de manière parfois irrationnelle et nous reprochent une trop grande opacité, nous sommes disposés à ce que les associations de patients soient associées, à titre consultatif, au processus de détermination du prix des médicaments.

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