Intervention de Jean-Patrick Sales

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Jean-Patrick Sales, vice-président du Comité économique des produits de santé, CEPS :

Le comité de prospective des innovations médicamenteuses a été installé il y a plus d'un an. Nous entendons dans ce cadre les laboratoires qui disposent d'un portefeuille d'innovations et une recherche et développement suffisamment bien établie ; nous pouvons ainsi examiner, pour les trois années à venir, les produits qui vont arriver. Cette focale est assez étroite, mais nous permet de savoir qui fait quoi. Bien sûr, les données cliniques sont particulièrement confidentielles, mais je peux vous dire que nous allons au-devant de difficultés en matière de financement.

Ainsi, les nouveaux anti-cancéreux qui défraient la chronique aujourd'hui ont deux indications ; mais ils ont des résultats qui semblent prometteurs pour une dizaine d'indications, notamment le mélanome et le cancer du poumon. Nous devons donc nous attendre à une extension.

Parallèlement, on va de plus de plus des « formes sèches » vers les biothérapies. Celles-ci ne sont pas réservées au traitement du cancer : elles peuvent aussi traiter des maladies inflammatoires chroniques, des maladies articulaires, des maladies dermatologiques, voire des affections cardio-vasculaires. Ces recherches vont arriver sur le devant de la scène à très brève échéance, une, deux, trois années.

Les thérapies cellulaires vont également, un peu plus tard, bouleverser nos manières d'évaluer et de financer les produits de santé : elles associeront en effet pour la prise en charge d'un patient la production d'un industriel, les soins de multiples professionnels, l'engagement de plusieurs établissements.

Voilà ce qui émerge des rencontres de notre comité de prospective.

Monsieur Leonetti, nous fondons pour l'essentiel nos décisions sur l'ASMR, donc sur une valeur relative : on compare le produit à l'existant. L'ASMR, comme le SMR, prennent en considération la gravité de la maladie, et en premier lieu le couple efficacité-tolérance, la commission de la transparence étant par doctrine sensible uniquement à l'efficacité et à la tolérance cliniques. Les éléments économiques – directs ou indirects – n'entrent pas dans sa réflexion.

Depuis 2008 pour les stratégies thérapeutiques et depuis 2013 pour les produits de santé, la commission d'évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la HAS fournit des avis d'efficience, qu'il faut distinguer des analyses médico-économiques, qui peuvent être plus larges : cet avis nous donne le rapport qualité-prix d'une stratégie par rapport à une autre. Il estime, en euros, une unité de santé qui est soit l'année de vie gagnée, soit l'année de vie gagnée en bonne santé, le Quality Adjusted Life Year (QALY).

Les premiers avis n'ont que dix-huit mois : nous ne sommes donc qu'au début de cette approche.

Je souligne en outre qu'ils ne constituent pour nous qu'un instrument de dialogue avec l'industriel. Nous ne raisonnons pas, comme au Royaume-Uni, en fonction d'un seuil couperet. Dans tous les autres pays, l'évaluation médico-économique joue un rôle dans la décision de remboursement ; ce n'est pas le cas en France, puisque la décision de remboursement est prise indépendamment du prix et des bénéfices éventuels que l'on peut en attendre à l'avenir.

Madame Khirouni, il m'est difficile de vous donner plus d'informations que les industriels eux-mêmes. Dans nos échanges, ceux-ci mettent fréquemment en avant la part de leur chiffre d'affaires consacré à des activités de recherche et développement. Très schématiquement, on peut estimer que cette part va, selon les entreprises, de zéro à 80 % : zéro chez ceux qui fabriquent des génériques, mais 80 % pour de petites entreprises de biotechnologie qui ont développé un produit et sont en train d'en mettre au point un deuxième.

Aujourd'hui, les dépenses de recherche consenties par l'industriel ne font pas partie des critères de détermination du prix. Mais l'accord-cadre aborde ce point.

Monsieur Censi, le SMR intègre, au niveau de la commission de la transparence, la question des intérêts de santé publique. La direction générale de la santé y a d'ailleurs voix consultative. Au CEPS, la DGS a voix délibérative : elle peut à nouveau souligner l'intérêt de tel ou tel produit pour la santé publique.

Au sein de l'accord-cadre, enfin, deux dispositions explicites se sont nourries des réflexions sur le pilotage des plans de santé publique. Afin d'encourager la recherche fondamentale et la recherche clinique sur l'antibiothérapie, la première attribue aux nouveaux antibiotiques qui recevraient une ASMR de niveau IV une garantie de prix européen, comme si elles avaient reçu une ASMR de niveau I, II ou III. La seconde disposition concerne des produits anciens, dont l'industriel pourrait être tenté d'arrêter la production, les jugeant non rentables, ce qui pourrait poser des problèmes en termes de santé publique – disparition de vieux antibiotiques, mais pas seulement. C'est l'un des rares cas où l'industriel peut demander une hausse de prix, en documentant le caractère indispensable du produit ainsi que les coûts de production et les coûts entraînés par la modernisation de l'appareil de production.

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