Intervention de Françoise Sivignon

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Françoise Sivignon, présidente de Médecins du monde :

L'intérêt de Médecins du monde pour le prix des médicaments n'est pas neuf. Depuis longtemps, les médecins que nous sommes ont constaté sur le terrain qu'un des obstacles à l'accès aux traitements résidait dans leur coût. Nous avons beaucoup plaidé la cause dans les pays du Sud mais, depuis deux ans, nous interpellons les autorités nationales concernant le prix exorbitant de certains médicaments et notamment du Sovaldi. Il est des endroits où les patients n'ont pas eu accès à ce traitement, ce qui nous a alertés.

Nous formulons depuis deux ans plusieurs demandes de façon à la fois plus probante et plus visible. La première concerne la transparence dans la fixation du prix des médicaments. Nous souhaitons que, conformément au préambule de la Constitution de 1946, confirmé par la Constitution de 1958, l'État reprenne la main dans la fixation de ces prix et joue un rôle régulateur sur ce marché atypique – il s'agit de produits de santé, non de pétrole ou d'immobilier. Le caractère exorbitant du prix de certains médicaments ne résiste pas à l'analyse des coûts de recherche-développement et de production. Une étude du Sénat américain rappelle que ces prix sont fixés par les laboratoires en fonction de la solvabilité des États. Nous vous alertons donc de la mise en danger de la protection sociale du fait du prix exorbitant de ces médicaments.

Notre deuxième requête vise à faire participer à la régulation certains acteurs aujourd'hui non impliqués dans la fixation du prix des médicaments. Nous sommes théoriquement dans le cadre d'une démocratie sanitaire. Or, les usagers du système de santé ne contribuent pas à la fixation du prix de ces médicaments et les professionnels de santé, très peu. Médecins du monde questionne aussi le système de brevetabilité, et demande depuis deux ans au ministère de la santé l'activation d'un outil légal appelé licence d'office qui permet de rendre accessible un générique en l'important ou en le produisant sur le territoire français.

Nous demandons ainsi la préservation d'un système de santé solidaire et un accès pour tous à la santé. Nous l'écrivons depuis plusieurs années et le revendiquons de façon plus forte dans le cadre de notre campagne – concernant notamment des molécules particulières telles que le Sovaldi, antiviral à action directe contre l'hépatite C. La fourniture de cette molécule aux patients est aujourd'hui rationnée, ce qui est pour nous inacceptable. C'est la première fois dans l'histoire de notre protection sociale qu'on refuse, sur le fondement de critères que je pourrai préciser, l'accès à ces traitements salvateurs. Médecins du monde et d'autres associations sont donc dans une démarche responsable de demande de régulation de ce marché atypique.

C'est au terme d'interpellations répétées que nous essayons, grâce à notre campagne, d'attirer l'attention de l'opinion publique – nous nous adressons à 66 millions d'assurés sociaux – et de susciter un débat public sur la spirale inflationniste du prix de ces médicaments. Nous ne nous attaquons pas aux stratégies commerciales des laboratoires, comme cela a pu être écrit. Notre demande vise encore une fois la régulation et la transparence, non pas les laboratoires eux-mêmes mais leur modèle économique qui n'est pas soutenable pour notre système de soins. Nous avons donc mis en ligne une pétition qui a recueilli à ce jour 200 000 signatures et a été largement reprise sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook où dix millions de personnes sont allés la consulter. C'est un chiffre à prendre en considération.

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