Intervention de Olivier Maguet

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Olivier Maguet, responsable de la campagne « Prix des médicaments » de Médecins du monde :

MM. Viala et Censi nous ont interrogés quant à l'effet « coup de poing » de notre campagne. Or – mes collègues du CISS vous le confirmeront –, cela fait deux ans qu'à bas bruit, sans vouloir choquer ni interpeller l'opinion, nous rencontrons l'ensemble des acteurs du système : la direction de la sécurité sociale (DSS), la direction générale de la santé (DGS), le CEPS et le cabinet de la ministre. L'histoire a commencé au tout début de l'année 2014, lorsque le Sovaldi est arrivé pour la première fois sur le marché grâce à une autorisation temporaire d'utilisation (ATU), à un prix de 56 000 euros par traitement. Les autres personnes que vous avez auditionnées vous ont certainement décrit la logique du marché des produits de santé : le prix d'entrée, y compris sous le régime des ATU, fixe le benchmark et la ligne.

Médecins du monde a eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : nous nous inscrivons très clairement dans un cadre républicain respectueux des institutions. Dans un premier temps, nous menons un travail de pédagogie auprès du décideur public parce que nous voulons jouer le jeu de la démocratie sociale et lorsque nous ne sommes pas entendus, il ne nous reste plus que deux armes : celle du droit, avec l'opposition au brevet, et celle de l'opinion publique – comme vous l'utilisez vous-mêmes dans vos partis respectifs. Je vous remercie d'avoir posé cette question car nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir et faire un coup de publicité. Nous avons engagé depuis deux ans un travail de longue haleine sur le Sovaldi, qui nous a paru un point de rupture en matière de médicaments innovants, qui s'inscrit dans un combat bien plus ancien concernant d'autres aspects du système de santé qu'évoqueront mes collègues.

La disposition à laquelle nous faisons référence est bien évidemment l'article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle, et notre objectif n'est pas d'y déroger mais bien de le faire appliquer. Notre demande est simple et vise explicitement les antiviraux à action directe pour lesquels nous disposons de versions génériques de qualité dont les dernières publications, lors de la dernière réunion de l'Association européenne pour l'étude du foie à Barcelone en avril dernier, ont montré l'efficacité.

Je m'adresserai plus particulièrement à vous, monsieur Bapt, avec tout le respect que nous avons pour vous qui avez été un des tous premiers parlementaires à tirer la sonnette d'alarme en interpellant le CEPS en septembre 2014. Nous nous souvenons tous de votre courrier sur lequel nous nous sommes beaucoup appuyés à cette époque. Je voudrais donc vous en remercier au nom de Médecins du monde. Cela étant, nous sommes gênés que vous ayez qualifié de « bombe atomique » une disposition légale codifiée. Dans un débat politique, les mots ont un sens. Cela entretient un bruit de fond négatif à l'égard d'un mécanisme qui a fait la preuve de son efficacité puisque l'Italie et le Canada l'ont utilisé. Je cite volontairement des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et non pas des pays à revenus faibles et intermédiaires auxquels nous sommes plus habitués lorsqu'il s'agit de ce type de dispositifs. La France ne l'a jamais fait, mais a menacé de le faire pour la pilule abortive – que les laboratoires refusaient de produire. Elle a ainsi invoqué l'un des motifs de déclenchement de la licence d'office : l'absence de production en quantité. Nous souhaitons pour notre part en invoquer un autre : le prix anormalement élevé. Mais je ne crois pas qu'il faille utiliser le vocabulaire employé par le directeur de la sécurité sociale lorsque nous l'avons rencontré pour la première fois il y a deux ans. Si le législateur et les directions d'administration centrale emploient ce type de vocabulaire pour parler de dispositions légales applicables à tous, cela ne fera pas progresser le débat.

En revanche, vous avez raison de souligner la dimension européenne du problème. La politique du médicament reste une prérogative nationale même si les industriels font un fort lobbying auprès de Bruxelles pour renforcer l'Agence européenne des médicaments, s'agissant en particulier de la question de la valeur comme principe fondateur du prix. Médecins du monde est une organisation présente dans dix pays d'Europe, et nous envisageons de mener ce type d'action au niveau européen pour éviter la concurrence et la confrontation entre les pays. Il ne s'agit pas de faire de la licence d'office un nouveau mantra ni une doctrine économique qui viserait à une sorte de nationalisation de l'industrie pharmaceutique. Le Sovaldi est un point de rupture qui appelle un signal symbolique permettant de remettre autour de la table l'exécutif, le législatif, les industriels, les usagers du système et les professionnels de santé.

Enfin, vous nous avez interrogés sur le CEPS. Nous sommes d'accord avec ce que Jean-Patrick Sales vous a dit ce matin : la loi ne lui permet pas de faire ce que nous demandons. Ce n'est donc pas lui que nous interpellons, mais le législateur. Et pour contribuer au débat démocratique dans ce pays, nous renouvelons notre demande que soit créée une commission d'enquête, notre seule source d'information véritablement objective étant le rapport qu'a publié le Sénat américain – document de plus de 10 000 pages avec ses annexes, dont il ressort que les coûts de recherche et développement ne justifient pas les prix pratiqués.

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