Intervention de Arnaud Schaumasse

Réunion du 29 juin 2016 à 18h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Arnaud Schaumasse, chef du Bureau central des cultes au ministère de l'intérieur :

Nous avons découvert cet appareillage lors de l'audition de l'industriel en question, et la DGAL nous a indiqué en avoir connaissance. Les tests en cours semblent confirmer son caractère prometteur, et il pourrait être diffusé dans un avenir proche s'il répond aux différentes normes techniques applicables, par exemple en matière de contention.

S'agissant des abattoirs agréés, la plupart ne pratiquent pas exclusivement l'abattage halal ou casher. Le nombre de 218 abattoirs autorisés à abattre sans étourdissement peut sembler élevé au regard des 15 % de bovins abattus au titre de la dérogation, mais les besoins sont répartis sur l'ensemble du territoire, et ce nombre est appelé à croître. Ce n'est objectivement pas la solution idéale, puisque les contraintes de rythme et de chaîne conduisent les abattoirs à procéder à l'abattage rituel par exemple le matin, puis à repasser à l'abattage conventionnel. Mais cela relève de l'organisation économique et commerciale des opérateurs, que nous n'avons pas à connaître. Nous aurions matière à réagir si nous constations que le nombre d'établissements agréés n'est plus en adéquation avec le nombre de cartes de sacrificateurs délivrées par les autorités habilitées. Aujourd'hui, les trois mosquées ne semblent pas pratiquer une politique malthusienne en la matière, et le grand rabbin de France délivre des cartes en fonction des demandes qui lui sont faites. Pourvu que les personnes soient formées et aient réussi les tests, ils peuvent leur délivrer l'autorisation de procéder à des abattages rituels. Pour ce qui nous concerne, nous sommes très vigilants sur l'application du cadre réglementaire, qui est sain pour tous – à la fois pour les cultes, car il évite la stigmatisation et les fantasmes dans un secteur qui a pourvu la langue française de son lot de mots dévoyés, et parce qu'il répond aux exigences de la loi. Avec le ministère de l'agriculture et les organismes religieux concernés, nous veillons donc à ce que chacun soit conscient de ses responsabilités. Les sacrificateurs religieux sont d'abord des opérateurs d'abattoirs ; cette règle n'est pas négociable. La seule dérogation concerne l'étourdissement, tout le reste du processus relève du droit commun. C'est en veillant au respect serein de la norme que la République permet de garantir le libre exercice des cultes tout en évitant la stigmatisation de telle ou telle pratique religieuse.

Il est vrai qu'il existe dans le monde entier une lame de fond d'ordre économique, car de nombreuses institutions publiques ou parapubliques de pays d'Asie, en particulier, ont compris tout l'intérêt que revêt le développement d'un marché halal qui dépasse d'ailleurs largement le seul secteur des produits carnés : il existe aujourd'hui de l'eau halal, mais aussi des services halal – de voyage ou de mariage, par exemple. À l'origine, pourtant, le halal représente le degré médian, c'est-à-dire le plus neutre, dans l'échelle des cinq degrés de licéité allant de l'obligation à l'interdiction. Autrement dit, le halal est ce qui n'est ni interdit ni obligatoire. Dans le monde contemporain, hélas ! il est souvent trop compliqué d'envisager cinq possibilités ; tout est noir ou blanc. C'est pourquoi le halal est devenu l'opposé de l'interdit, et est désormais synonyme de bonne pratique. Cela s'est traduit par un phénomène économique qui, en France notamment, mobilise de nombreux acteurs.

À cette lame de fond économique s'en ajoute une autre, d'ordre sociologique : elle tient à l'affirmation – que d'aucuns jugent positive, d'autres négative – de l'identité religieuse par une pratique sociale. Ce phénomène est propre à des pays où la religion musulmane n'est pas dominante, mais minoritaire. Dès lors que la norme suscite un débat, son harmonisation se fait sur la base des positions maximalistes. S'il est fréquent qu'un consommateur estimant que l'électronarcose n'est pas une pratique problématique accepte de manger de la viande provenant d'un animal abattu sans étourdissement, l'inverse ne se produit pas : les consommateurs opposés à l'étourdissement n'achèteront que de la viande provenant d'animaux abattus rituellement. Or il est apparu nécessaire d'adopter une norme halal commune pour mettre fin aux duperies de toutes sortes dont sont victimes les consommateurs. Cependant, nous sommes dans un pays sans tradition établie en la matière, ni autorité morale reconnue à même de certifier ce qui est halal et ce qui ne l'est pas ; les consommateurs sont incrédules, si j'ose dire. Le consommateur musulman exigeant une certification, celle-ci a tendance à être établie sur la base de positions maximalistes. Le Conseil français du culte musulman définira un référentiel qu'il appelle « Charte halal », sans pour autant considérer que d'éventuelles autres chartes sont haram, et sans juger la conformité d'autres pratiques. Quoi qu'il en soit, je constate ce mouvement comme vous, madame la députée.

1 commentaire :

Le 26/10/2016 à 17:00, laïc a dit :

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Il faut clairement interdire le halal, pourquoi se fatiguer à disserter davantage ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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