Intervention de Frédérique Bredin

Réunion du 29 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée, CNC :

Beaucoup d'entre vous ont parlé de l'accord passé en mai dernier entre, d'un côté, les producteurs et les distributeurs, et, de l'autre, les exploitants de salles. J'aurais dû aborder le sujet dès mon propos liminaire.

Nous avions été tentés de passer par le Parlement ou par une ordonnance pour essayer de mieux réguler un secteur qui subit les difficultés liées à la numérisation. Nous souhaitions faciliter l'accès des films aux salles et l'accès des salles aux films. Il est très difficile de mettre d'accord toute la filière sur ces questions car les intérêts des uns et des autres sont contradictoires. Les choses n'ayant pas pu se faire par la voie législative, nous avons pris la décision de réunir l'ensemble des professionnels et de travailler à marche forcée, avant le Festival de Cannes, pour obtenir un accord interprofessionnel. Avec M. Christophe Tardieu et M. Xavier Lardoux, qui ont participé à toutes les réunions, nous avons réussi à obtenir la signature de cet accord, ce qui était loin d'être acquis.

Pour faciliter l'accès des films aux salles, il est nécessaire d'assurer la transparence des relations contractuelles entre les acteurs. Il a donc été décidé qu'il y aurait de véritables contrats écrits entre les producteurs et les distributeurs, d'un côté, et les exploitants de salles, de l'autre. Cela permettra d'établir des relations beaucoup plus transparentes, sous la surveillance, en cas de difficulté, du Médiateur du cinéma. Il est également prévu que le contrat relatif à un film devra être signé quinze jours avant sa diffusion – ce qui ne correspond pas du tout à la pratique actuelle. Sauf exceptions, le film devra aussi rester quinze jours à l'affiche. Il s'agit de permettre à un film de s'installer et de trouver son public. Il faut que les spectateurs aient le temps de venir le voir. Certains se plaignaient beaucoup des déprogrammations sauvages. Si les pratiques sont beaucoup moins rudes que celles qui existent, par exemple, en Asie du Sud-Est ou en Chine, où les choses se passent en deux jours, elles n'en sont pas moins bien réelles. La règle des quinze jours a donné lieu à de nombreuses discussions, mais elle est désormais acquise.

Concernant l'accès des salles aux films, les distributeurs ont signé l'engagement applicable à partir du 1er janvier 2017 de mettre davantage de copies à la disposition des communes rurales ou des communes moyennes – les agglomérations de moins de 50 000 habitants. Cette démarche interprofessionnelle va donc très loin, et elle répond à un grand nombre des questions qui ont été posées.

Monsieur Premat, les objectifs attendus des modifications du crédit d'impôt ont été atteints. Un véritable retour sur investissement bénéficie aux industries techniques et aux emplois sur nos territoires. Nous avons obtenu des résultats qui dépassent nos espérances. Ils se traduisent par des recettes fiscales et sociales supplémentaires pour l'État, au-delà même des questions de relocalisation et d'emploi.

De nombreuses questions m'ont également été posées au sujet de Canal +. J'avoue qu'il m'arrive de me les poser aussi. Un point est très rassurant : le cinéma a conclu un accord pour cinq ans avec Canal +, juste avant le changement intervenu à la tête de Vivendi et de Canal +. Cela donne au cinéma et à Canal + le temps de voir les choses venir sans être forcément dans l'urgence. Il n'en demeure pas moins que la situation de Canal + suscite un certain nombre d'inquiétudes. Nous savons que les résultats du groupe ne sont pas à la hauteur des espérances des actionnaires et que la baisse du nombre d'abonnés fait courir des risques à l'entreprise.

Pour notre part, un autre sujet nous inquiète : l'éventuelle séparation des offres sport et cinéma. Nous sommes évidemment extrêmement attachés à ce que les engagements pris par Canal + en 1984 en faveur du cinéma soient fondés sur le chiffre d'affaires global du groupe, et pas seulement sur une part cinéma, ce qui aurait pour effet de diminuer sa participation au financement du secteur. Nous serons particulièrement vigilants afin que les engagements pris par Canal + à ses origines soient respectés, quelle que soit l'offre présentée au téléspectateur.

Nous sommes toutefois conscients des nombreuses évolutions de la filière et de l'arrivée de nouveaux acteurs. Les points négatifs sont bien là, et Canal + doit évidemment adapter son modèle, mais il ne faut pas oublier les points positifs : Canal + et Vivendi réfléchissent par exemple à la création d'une grande plateforme vidéo européenne dont le succès pourrait venir concurrencer les plateformes américaines.

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