Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 6 juillet 2016 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, rapporteure :

Notre commission est de nouveau saisie, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité. Ce texte complète le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – ces deux derniers termes ayant été ajoutés au titre initial du projet de loi, qui concernait uniquement la biodiversité –, actuellement en instance de nouvelle lecture au Sénat et qui devrait être définitivement adopté par l'Assemblée nationale au cours de la dernière semaine de notre session extraordinaire.

Cette proposition de loi organique a été présentée par M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, et par Mme Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi. Elle ajoute la future Agence française pour la biodiversité à la liste des organismes dont les dirigeants font l'objet d'un avis public des commissions parlementaires, avant leur nomination par le Président de la République.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit que, pour les fonctions importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l'État s'exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être empêchée, à la condition de réunir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des deux assemblées.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi ne prévoyait pas que la présidence de la nouvelle Agence française pour la biodiversité donnerait lieu à une nomination par le chef de l'État : le président de l'Agence devait être élu parmi les membres du conseil d'administration. La commission du développement durable a remplacé cette élection par une désignation par le Président de la République, au sein et sur proposition du conseil d'administration. Elle a également souhaité que cette nomination soit soumise à la procédure d'audition et d'avis public des commissions parlementaires – en l'occurrence les commissions compétentes en matière d'environnement. C'est ce qui a motivé le dépôt, en juin 2014, de cette proposition de loi organique.

Ce changement est important. En effet, si l'organisation de cette agence chargée de centraliser et de gérer tout ce qui se rapporte à la biodiversité relève de la loi ordinaire, le fait que la commission du développement durable de notre assemblée ait décidé que son président serait désigné par le Président de la République est le signe de l'attention accordée à la biodiversité, concept malaisé à définir scientifiquement, mais qui, néanmoins, est accepté par la majeure partie de la population et constitue un enjeu planétaire pour le XXIe siècle.

Lors de la première lecture, en mars 2015, notre commission des Lois et l'ensemble des députés ont estimé qu'il était justifié que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure d'avis des commissions parlementaires. À mon initiative, l'Assemblée nationale a néanmoins modifié la proposition de loi organique.

D'une part, nous avons « neutralisé » le genre de la fonction de président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité, en remplaçant le terme de « président » par celui de « présidence ». En effet, la première des biodiversités est bien l'altérité sexuelle, puisque c'est elle qui a préludé à l'explosion de la biodiversité terrestre et aquatique que nous connaissons. Dans le processus d'évolution de la vie sur la terre, l'apparition de la sexualité a permis de multiplier à l'infini les possibilités offertes au développement de la vie qui, jusqu'alors, ne s'était développée que par scissiparité, modifications génétiques ou du fait d'aléas dus au hasard.

Sachant par ailleurs que le principe d'égalité entre les sexes n'est que très récent dans l'histoire de l'humanité, il m'a semblé essentiel de se référer dans la loi organique à la fonction et non plus à celui qui l'occupe, la première primant sur le second. Je remercie les sénateurs d'avoir considéré que notre proposition était pertinente.

D'autre part, toujours à mon initiative, l'Assemblée nationale a étendu cette mesure de neutralisation à la cinquantaine de fonctions et d'emplois énumérés dans le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 et pour lesquels les commissions parlementaires donnent un avis préalable à la nomination par le Président de la République.

En janvier 2016, le Sénat a approuvé l'ensemble de ces modifications. Il s'est borné à adopter deux mesures de coordination : l'une tenant compte de la création de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui a entre-temps été ajoutée au tableau de la loi organique de 2010 ; l'autre supprimant la date d'entrée en vigueur de la proposition de loi organique, celle-ci ayant vocation à s'appliquer dès la création de l'Agence française pour la biodiversité.

Pour conclure, je vous invite donc, dans le cadre de cette deuxième lecture, à adopter sans modification cette proposition de loi organique. En effet, à la différence du projet de loi sur la biodiversité, sur lequel la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un accord, cette proposition fait l'objet d'un consensus entre nos deux assemblées. Je m'en félicite, car elle donne force institutionnelle à la notion de biodiversité, laquelle concerne non seulement la métropole, mais également les départements et collectivités d'outre-mer, qui permettent à la France, avec le deuxième linéaire côtier au monde, d'être, avec les États-Unis, quasiment le seul pays à couvrir, grâce à son territoire, l'ensemble des climats et des climax écologiques de la planète.

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