Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat le 29 juin dernier, traite d'un sujet dont nous avons longuement discuté au cours de l'examen de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », puisqu'elle propose de repousser la date de suppression des habilitations accordées par les notaires à leurs clercs du 1er août 2016 au 31 décembre 2020. À cette fin, elle reprend, dans des termes strictement identiques, les dispositions de l'article 51 ter B du projet de loi sur la modernisation de la justice au XXIe siècle, que nous avons adopté en première lecture à l'initiative du Gouvernement. Ce texte ne pouvant être définitivement adopté avant le 1er août 2016, il convenait qu'un autre véhicule législatif puisse l'être dans les meilleurs délais. C'est l'objet de la présente proposition de loi ; pour coordination, l'article 51 ter B a d'ailleurs été supprimé du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Pour éclairer les motivations qui sont les nôtres, je rappellerai qu'il était nécessaire de mettre un terme au système des habilitations pour plusieurs raisons.
En premier lieu, cette possibilité que s'étaient donnée les notaires constituait un puissant frein à l'embauche de notaires en titre, puisqu'il était possible de leur substituer des clercs. Si ceux-ci sont souvent des personnes très compétentes, qui s'acquittent avec diligence de toutes les tâches préalables à la signature des actes, de très nombreux jeunes diplômés notaires sont néanmoins en attente de pouvoir s'installer soit dans un office existant, soit en créant leur propre office, ce qui, à soi seul, justifie déjà que l'on mette un terme à ce dispositif des habilitations qui existe uniquement chez les officiers publics et ministériels que sont les notaires.
En deuxième lieu, cette possibilité pouvait se traduire par des écarts de salaires et de reconnaissance professionnelle bien trop importants au regard des nombreuses missions confiées aux clercs.
Enfin, le système des habilitations contribuait à éloigner le notaire de sa principale mission d'officier public et ministériel, à savoir la responsabilité intuitu personæ de l'authentification des actes comme de la solennité qui s'y attache.
Traduisant les souhaits exprimés par les professionnels que nous avons auditionnés dans le cadre de notre mission sur les professions réglementées, souhaits qui rejoignent les recommandations de l'Autorité de la concurrence, cette suppression est apparue nécessaire pour remettre les notaires au coeur de leur métier et favoriser l'accès des diplômés en notariat aux postes libérés. Par conséquent, à la suite de l'adoption de la loi pour la croissance et l'activité, aucune nouvelle habilitation n'a été accordée.
Toutefois, il restait à prendre en compte la situation des clercs qui avaient été habilités avant le 1er janvier 2015. Cette suppression ne devait pas, comme nous nous y étions engagés à maintes reprises dans le cadre de l'examen de ladite loi, se faire au préjudice de ces clercs habilités. La mission de suivi de la loi relative à la croissance et à l'activité, présidée par notre collègue Richard Ferrand, a ainsi rappelé que cette mesure devait obligatoirement s'accompagner, au plan réglementaire, de la mise en place d'une validation des acquis de l'expérience, permettant la prise en compte des services rendus par ces professionnels. Ainsi des dispositions transitoires étaient-elles nécessaires.
Pour rappel, 9 558 clercs étaient concernés par la réforme au 1er janvier 2015, dont 5 566 qui remplissaient les conditions de diplôme pour être notaire, 2 662 qui étaient titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l'Institut des métiers du notariat et 1 330 – principalement des femmes, habilitées en général depuis plus de dix ans – qui ne se trouvaient dans aucun de ces deux cas.
Pour encourager la reconversion de ces professionnels et garantir que la suppression des habilitations ne se traduise pas par une perte de compétences, trois dispositions complémentaires ont donc été prises.
La première vise à mettre en place un dispositif de validation des acquis de l'expérience, pour permettre aux clercs habilités remplissant des conditions d'ancienneté ou de diplôme de remplir les fonctions de notaire. Cette passerelle, détaillée par le décret du 20 mai 2016, sera effective jusqu'au 31 décembre 2020.
La deuxième permet aux notaires titulaires d'engager d'ici au 1er janvier 2020 jusqu'à quatre notaires salariés – contre deux pour les autres officiers publics et ministériels –, de manière à les encourager à recruter, sous ce statut, leurs anciens clercs habilités.
La troisième consiste à différer d'un an l'entrée en vigueur de la suppression des habilitations, pour permettre aux professionnels concernés de se reconvertir. La suppression des habilitations accordées avant le 1er janvier 2015 ne devait donc intervenir qu'à compter du 1er août 2016.
Il est toutefois apparu que, pour garantir la pleine efficacité de ces dispositions et permettre aux clercs de justifier des compétences nécessaires pour devenir notaire, sans déstabiliser leurs conditions d'exercice actuelles, il était nécessaire de prolonger davantage la validité de leur habilitation. À cette fin, la présente proposition de loi propose de substituer à l'échéance du 1er août 2016 celle du 31 décembre 2020, de manière à assurer une continuité entre la période transitoire de maintien des habilitations effectives et l'entrée dans le notariat par le biais de la validation des acquis de l'expérience.
Les clercs remplissant les conditions d'ancienneté ou de diplôme disposeront ainsi de plus de cinq ans pour se reconvertir, ce qui témoigne de notre souhait et de celui du Gouvernement de poursuivre les réformes, tout en garantissant que leurs conditions de mise en oeuvre soient adaptées à la situation des professionnels concernés.
Sur le fondement de cette présentation, je vous invite à adopter la présente proposition de loi.