Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 6 juillet 2016 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe :

Madame la rapporteure, j'ai été très choqué de vous entendre dire que les notaires s'étaient autorisés à procéder aux habilitations de clercs. Les notaires ne se sont rien autorisé du tout, cette disposition étant prévue par la loi du 25 ventôse an XI – 16 mars 1803.

Elle n'avait depuis lors jamais posé le moindre problème jusqu'à ce que M. Macron s'en émeuve. M. Macron a d'ailleurs fait, avec sa loi, beaucoup de mal à la profession notariale, ce qui serait d'une gravité relative s'il ne s'en prenait également à l'acte authentique, remettant ainsi en cause tout notre système juridique et le droit continental sur lequel il repose. À cet égard, si le « Brexit » est une catastrophe pour l'Union européenne, au moins permettra-t-il peut-être aux institutions européennes de se recentrer sur le droit continental et d'échapper à l'emprise du droit anglo-saxon.

Le fait que nous devions examiner aujourd'hui cette proposition de loi montre bien que la loi Macron a été élaborée dans l'improvisation la plus totale, nous contraignant à y revenir au bout de quelques mois. Cela vaut non seulement pour les habilitations, mais également pour la révision des tarifs, prétendument destinée à faire baisser les coûts notariaux et à mieux répartir la rémunération entre l'ensemble des notaires, mais qui a été pensée en dépit du bon sens, par des gens ignorant tout du fonctionnement d'un office notarial. Le résultat en est qu'aujourd'hui la loi Macron met en grandes difficultés les petites études rurales, dont certaines sont condamnées à terme, tout en renforçant les grosses études urbaines, ce qui est un contresens ubuesque.

Nous attendons de même avec les plus vives inquiétudes la carte des zones de libre installation que doit proposer l'Autorité de la concurrence, le fait que cette dernière intervienne dans l'organisation d'une profession juridique montrant bien que le Gouvernement considère qu'il s'agit d'un domaine comme les autres, ce qui est contraire à notre conception du droit et à l'idée que nous nous faisons de la protection de nos concitoyens.

François Mitterrand, en son temps, avait souhaité faire des notaires des fonctionnaires ; M. Macron, lui, veut les cantonner au rôle de simples certificateurs, à l'exemple de ce qui se pratique aux États-Unis. Il met ainsi à mal une profession qui est un pilier de notre système juridique.

Malgré cela, nous voterons cette proposition de loi, qui proroge les habilitations. Cela n'empêche pas de nombreux collaborateurs des études notariales de manifester leur colère à l'idée d'être bientôt privés par la loi Macron de leur habilitation à recueillir les signatures. Ils perçoivent cela comme un signe de défiance de la part du Gouvernement, la remise en cause du soin et de la rigueur professionnelle avec lesquels ils remplissent leur mission, sachant que l'un des grands intérêts de la fonction de clerc de notaire réside dans cette faculté qu'ils ont d'assurer le suivi intégral d'un dossier.

C'est la raison pour laquelle je proposerai en séance un amendement permettant aux diplômés notaires de pouvoir continuer à recueillir les signatures. Ayant moi-même été collaborateur de notaire, je peux témoigner que cela permet au notaire de distinguer ceux parmi ses collaborateurs qu'il en juge dignes en leur mettant le pied à l'étrier, sachant que tous ne reçoivent pas d'habilitation.

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