Intervention de François Rochebloine

Réunion du 29 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Le 14 juin dernier, le président du groupe UDI, Philippe Vigier, a fait savoir à la conférence des présidents qu'il souhaitait exercer son droit de tirage sur la proposition de résolution n°3764 tendant à la création d'une commission d'enquête.

Nous sommes appelés aujourd'hui à vérifier la recevabilité de cette demande, sachant que notre commission n'a pas à se prononcer sur son opportunité. Certains ont fait un certain nombre de déclarations sur lesquelles je serai obligé de revenir. Trois conditions sont requises. Les deux premières, à savoir l'absence de commission d'enquête ou de mission d'information sur le même sujet au cours des douze mois précédents, et l'inexistence de poursuites judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition proposition, sont l'une et l'autre remplies, comme l'a rappelé Madame la rapporteure. La troisième est contenue à l'article 137 du règlement de l'Assemblée nationale, qui requiert un objet suffisamment précis de la commission d'enquête. Je vais m'efforcer de démontrer qu'elle est également remplie.

L'exposé des motifs précise qu'il s'agit de “veiller à la cohérence de l'action diplomatique” à l'endroit de l'Azerbaïdjan “avec les objectifs généraux de la politique étrangère de la France, en particulier la promotion de la paix et de la sécurité collective, et les progrès de la démocratie dans la région du Caucase du Sud”.

L'exposé des motifs le rappelle, la France est coprésidente du groupe de Minsk avec les États-Unis et la Russie, qui tente depuis 1992 au sein de l'OSCE d'aboutir à une résolution pacifique du conflit du Haut-Karabagh opposant l'Azerbaïdjan à l'Arménie. Je rappelle que cette région du Haut-Karabagh était auparavant peuplée en grande majorité d'Arméniens. Les choses sont bien claires, cette position de la France lui fait un devoir de ne pas favoriser l'un des belligérants, par son activité diplomatique, économique ou militaire.

Les échanges commerciaux entre la France et l'Azerbaïdjan représentent chaque année près de 2 milliards euros, mais cela ne permet pas tout. Le ministère des affaires étrangères indique que “les relations franco-azerbaïdjanaises dans le domaine de la coopération et de la culture sont excellentes”.

Lorsque j'étais le rapporteur de la loi de reconnaissance du génocide arménien (la France était alors la première à le faire), j'avais entendu beaucoup de choses, et notamment qu'on allait perdre des marchés. En réalité, nous n'avons rien perdu du tout. Nous sommes aujourd'hui suivis par beaucoup d'autres (récemment par l'Allemagne) et je crois qu'on peut être heureux et fiers d'avoir été les premiers à prendre cette initiative.

D'autre part, le régime azerbaïdjanais est régulièrement dénoncé par l'ONU et les ONG en raison des atteintes répétées aux droits de l'Homme, à la démocratie et à la liberté d'expression, comme l'a rappelé très justement Pierre-Yves le Borgn'. Il a cité Leyla Yunus et son mari, qui ont été victimes de plusieurs années de prisons, et qui se trouvent aujourd'hui dans un état de santé déplorable.

L'objet des travaux de la commission d'enquête est défini avec une précision suffisante. À ce jour, la proposition de résolution répond aux conditions posées tant par l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, que par les articles 137 à 139 du règlement de l'Assemblée nationale.

Je rappelle enfin qu'une commission d'enquête ne peut certes pas convoquer un étranger, vous l'avez rappelé Madame la Rapporteure, mais rien ne l'empêche de s'intéresser à des agissements étrangers, et de demander à des Français de témoigner.

Aussi je considère pour ma part que rien ne s'oppose à la recevabilité de cette demande de commission d'enquête. Si la recevabilité n'était pas reconnue, certains ne manqueraient pas d'interpréter ce choix comme un renoncement des parlementaires à un de leurs droits les plus fondamentaux et consubstantiels à la démocratie et à la transparence. Pour ma part, croyez bien que je n'en resterai pas là. Ce ne sont pas des menaces.

Je trouve inadmissibles les pressions qui ont été exercées dès le jour du vote de cette proposition à l'intérieur du groupe UDI. L'ambassadeur d'Azerbaïdjan a dès l'après-midi contacté le président de notre groupe, et a à plusieurs reprises exercé des pressions, puisqu'il a écrit à tous les collègues de mon groupe. Il a fallu que je rétablisse par courrier ce qui avait été écrit, qui était totalement faux.

Quand je dis que je n'en resterai pas là, je veux dire qu'il y a d'autres solutions et propositions à envisager.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion