Intervention de Jacques Krabal

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Cette proposition de loi arrive moins de deux ans après celle de Thomas Thévenoud, qui était censée régler le conflit entre taxis et VTC, au moins temporairement et au moins en partie. Force est de constater que les tensions n'ont cessé de s'exacerber – nous avons même assisté à des violences insupportables –, ce qui nous oblige à remettre l'ouvrage sur le métier.

Encore une fois, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) viennent percuter un modèle économique en place, et une rupture technologique nous oblige à repenser le modèle traditionnel, face au formidable développement des technologies de la communication, que certains penseurs un peu lyriques désignent déjà par l'expression « numérisation du monde ».

La démocratisation des outils numériques vient, en effet, se confronter directement au droit et aux activités existantes. Le transport léger de personnes, qui existe depuis longtemps dans tous les pays du monde, n'échappe pas à cette tendance, et il est très vite apparu comme une évidence qu'une réglementation stricte devait encadrer cette activité commerciale, notamment avec une autorisation de stationnement sur la voie publique, appelée habituellement la licence.

Sous prétexte de simplification, nous sommes arrivés à une situation créant des dysfonctionnements et une concurrence inéquitable entre les taxis traditionnels et les VTC, menaçant le secteur d'une déstructuration profonde. D'un côté, les nouvelles technologies permettent une baisse des prix, une amélioration de la qualité des services rendus aux clients et la création de nombreux emplois pour des personnes qui étaient au chômage depuis plusieurs années. De l'autre, les NTIC impliquent une destruction de valeur, avec un dumping social qui se concrétise par une précarisation en termes de temps de travail, de protection sociale, de revenus, et une baisse de ressources fiscales pour l'État.

Cette proposition de loi fait apparaître une intention légitime de rapprocher l'exercice du métier de transport public léger de personnes et une volonté de limiter les excès de l'ubérisation du monde. Ce texte vise ainsi à renforcer les obligations de vigilance des plateformes d'intermédiation pour dissuader les candidats à l'illégalité, avec la volonté affichée de mettre fin à la faille légale exploitée par certaines plateformes, en imposant de strictes conditions d'accès au permis de travailler en tant que chauffeur de VTC et en interdisant les LOTI dans les communes de plus de 100 000 habitants.

Il nous faut trouver les moyens de réguler pour maintenir notre modèle social. Cependant, il ne faut pas tuer l'innovation, mais la faciliter tout en préservant l'emploi et le modèle socio-économique qui est le nôtre. Vouloir limiter les effets d'innovation des plateformes de l'économie collaborative, qui vont de la start-up à la multinationale, cela revient à vouloir arrêter la pluie : mieux vaut essayer de composer avec elles. Pour nous, il faut cesser d'opposer deux systèmes et deux types d'activités, mais plutôt rechercher les complémentarités. Un débat de fond devrait être mené à la fois sur l'économie collaborative, mais aussi sur les effets de l'automatisation et de la robotisation, qui sont les enjeux de l'économie de demain.

Au-delà de cette réflexion de fond que nous devons engager le plus rapidement possible, cette proposition de loi va globalement dans le bon sens, notamment pour les chauffeurs. Nous estimons cependant qu'elle risque affaiblir nos start-up françaises du VTC, alors qu'Uber disposera, grâce à sa puissance financière, des moyens de capter l'essentiel du marché restant pour les VTC. Cette crainte nous conduit à souhaiter que des modifications soient apportées au texte afin de limiter les dégâts pour nos entreprises françaises.

Cette proposition de loi semble satisfaire à la fois les chauffeurs de taxi et les chauffeurs de VTC qui, ne l'oublions pas, s'affrontaient dans les rues il y a encore peu de temps. C'est en soi un petit exploit que nous saluons, même s'il est impossible pour le moment de savoir si l'apaisement sera durable. Comme le disait Jean de La Fontaine dans la fable Le petit poisson et le pêcheur : « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ». Nonobstant les réserves que j'ai exprimées, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste apportera donc son soutien à cette proposition de loi.

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