Intervention de André Vallini

Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 16h00
Stockage en couche géologique des déchets radioactifs — Présentation

André Vallini, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, avant d’examiner en détail la proposition de loi qui vous est soumise, et ses amendements, je crois utile de la replacer dans le travail de long terme mené depuis plus de vingt ans sur la gestion des déchets nucléaires.

La proposition de loi constitue une étape importante d’un processus de long terme, qui dépasse les clivages politiques et relève directement de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Vous le savez, la France a fait dans les années 1970 le choix stratégique de l’énergie nucléaire en se dotant progressivement d’un parc de cinquante-huit réacteurs qui lui assurent la production d’une électricité décarbonée et compétitive.

La filière d’excellence qui s’est structurée autour de ce choix a permis le déploiement d’installations industrielles productives et sûres, sous le contrôle permanent de l’État et des autorités de sûreté.

Le maintien de l’énergie nucléaire comme une composante essentielle de notre production d’électricité a été confirmé dans la loi sur la transition énergétique, qui a fixé un objectif de 50 % d’énergie nucléaire dans notre mix électrique à l’horizon de 2025.

Mais, nous le savons tous, l’énergie nucléaire produit des déchets dont il nous faut assumer la gestion sur le long terme. La France s’est donc dotée d’un cadre législatif pour la gestion des déchets radioactifs par la « loi Bataille », du nom de son auteur, que je salue, spécialiste s’il en est des questions nucléaires. Cette loi du 30 décembre 1991 fixait notamment des axes de recherches pour la gestion à long terme des déchets les plus radioactifs : les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue.

Ces déchets principalement issus de l’exploitation des réacteurs nucléaires de production d’électricité représentent environ 3 % du volume de l’ensemble des déchets radioactifs, mais 99 % de leur radioactivité totale. La loi Bataille a créé un cadre de gestion responsable de ces déchets à la fois par le Gouvernement et par le Parlement.

L’un des axes de recherche identifiés par ce texte pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue était le stockage en couche géologique profonde. Les études ont été confiées à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ou ANDRA, établissement public créé par cette même loi et indépendant des producteurs de déchets.

Pour conduire ses recherches sur leur stockage, l’ANDRA a créé un laboratoire souterrain à Bure, dans le sud du département de la Meuse, à quelques centaines de mètres du département de la Haute-Marne. C’est donc dans la couche argileuse, à 500 mètres de profondeur, âgée de 160 millions d’années et retenue pour ses propriétés de confinement de la radioactivité à de très longues échelles de temps, que l’Agence a étudié la faisabilité du stockage de ces déchets.

En 2005, après quinze ans de recherche, l’ANDRA a remis au Gouvernement un rapport établissant la faisabilité industrielle du stockage des déchets dans la zone investiguée. Après évaluation de ces travaux scientifiques par la Commission nationale d’évaluation et l’Autorité de sûreté nucléaire, ou ASN, et après un débat public national, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de référence pour la gestion à long terme de ces déchets.

L’option adoptée par la France en 2006 a d’ailleurs été confortée au niveau européen par la directive 201170Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, qui préconise le stockage géologique profond.

La loi du 28 juin 2006 a donc prescrit à l’ANDRA de concevoir et de préparer l’implantation d’un centre de stockage à proximité du laboratoire de Bure, parallèlement à la poursuite des recherches conduites dans le laboratoire. Ce projet industriel d’envergure, nommé Cigéo – acronyme de Centre industriel de stockage géologique – est prévu au centre de la nouvelle région « Grand Est », créée par la réforme territoriale, qui accueille, depuis plus de quarante ans, des installations importantes de l’ANDRA pour la gestion d’autres types de déchets radioactifs.

La loi de 2006 impose à l’ANDRA une caractéristique décisive pour la conception de son stockage – celui-ci doit pouvoir être réversible – et prévoit qu’une loi nouvelle devra définir les conditions de cette réversibilité.

Le complément que le législateur doit donc apporter à la loi de 2006 peut aujourd’hui bénéficier de dix années d’études supplémentaires, ainsi que des conclusions du second débat public national organisé en 2013 sur ce projet. Préciser le cadre dans lequel l’ANDRA doit poursuivre ses études permettra de rendre plus robuste le dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo et fiabilisera la mise à disposition d’une solution de gestion pérenne et sûre.

C’est pour poursuivre le travail engagé depuis 2006 que les sénateurs Longuet et Namy ont déposé une proposition de loi sur la réversibilité du stockage Cigéo. Ce texte adopté le 17 mai au Sénat par une très large majorité de 333 voix contre dix demeure très proche d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 10 novembre 2015 par MM. Le Déaut, Dumont et Bataille.

Celle-ci a fait l’objet d’un examen et d’un vote conforme, le 29 juin, par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, présidée par M. Jean-Paul Chanteguet. Elle contient les éléments appelés par la loi de 2006. En effet, elle précise la notion de réversibilité applicable à Cigéo. Elle introduit une phase industrielle pilote au démarrage de l’installation, conformément aux conclusions du débat public de 2013. Enfin, elle prévoit plusieurs dispositions techniques nécessaires à la poursuite du projet, relatives notamment à la maîtrise foncière, et aménage son calendrier pour mieux correspondre aux conditions de mise en oeuvre du projet.

La proposition de loi n’est en rien une autorisation du projet. Si une autorisation doit intervenir, ce ne sera pas avant 2021, et elle sera délivrée par décret en Conseil d’État après une instruction technique de l’Autorité de sûreté nucléaire, un avis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, des collectivités locales concernées, de la Commission nationale d’évaluation et une enquête publique.

Cette autorisation permettra la réalisation de la phase pilote au cours de laquelle la démonstration de la sûreté de l’exploitation devra être pleinement apportée par l’ANDRA. Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de l’ANDRA, d’un avis de la Commission nationale d’évaluation et d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, transmis pour examen à l’OPECST.

Si le rapport de l’OPECST en confirme la pertinence, le Gouvernement pourra alors déposer un projet de loi précisant les conditions du passage à l’exploitation courante du centre de stockage.

C’est au terme de l’analyse des résultats de la phase industrielle pilote que l’ASN pourra in fine délivrer l’autorisation de mise en service complète de l’installation, dont le caractère réversible sera réévalué tous les dix ans.

Le Gouvernement partage pleinement le souci des parlementaires d’horizons politiques différents qui ont proposé depuis plus d’un an des dispositions permettant de préciser les conditions de la poursuite du projet Cigéo. Nous pouvons être fiers du dispositif élaboré en France depuis 1991 pour une gestion sûre et responsable de nos déchets radioactifs, qui marque notre souci de responsabilité vis-à-vis des générations futures. La proposition de loi complète et précise utilement ce dispositif.

Le Gouvernement la soutient donc pleinement.

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