Intervention de Florence Delaunay

Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 16h00
Stockage en couche géologique des déchets radioactifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorence Delaunay :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la France a fait le choix de l’électricité nucléaire depuis la mise en service en 1956 de la centrale de Marcoule, puis de celle de Chinon. Aujourd’hui, cinquante-huit réacteurs fonctionnent dans dix-neuf centrales, ce qui fait de la France le deuxième producteur au monde d’électricité d’origine nucléaire.

Le nucléaire est une industrie propre, non polluante et qui n’émet pas de CO2. C’est en tout cas ainsi qu’EDF fait la promotion de son électricité, issue pour 82 % du nucléaire. Pourtant, la dépendance au minerai d’uranium et les conditions d’extraction dans les pays émergents pourraient faire débat, tout comme l’opacité des incidents ou accidents et l’exposition aux radiations des salariés des sous-traitants chargés de la maintenance et du nettoyage des installations.

La proposition de loi que nous examinons porte sur la réversibilité d’une installation de stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs à vie longue que notre pays produit depuis soixante ans dans le nucléaire civil.

Après quinze ans de recherches organisées par la loi du 30 décembre 1991, qui ont porté sur trois axes – la réduction de la nocivité et de la quantité des déchets par la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue, l’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface, solution provisoire dans la perspective du stockage ou de progrès scientifiques majeurs –, le choix de la solution de référence pour la gestion des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue s’est porté sur le stockage géologique profond. Cette solution reste débattue du point de vue technique et politique.

La proposition de loi définit la notion de réversibilité comme la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. Elle pose le principe de la phase industrielle pilote qui débutera l’exploitation industrielle du site. Elle prévoit que la demande d’autorisation de création soit instruite en 2018 et que la durée minimale de réversibilité du stockage soit obligatoirement supérieure à cent ans.

Avec cette installation, la France peut craindre de devenir leader dans le stockage des déchets. Il n’est donc pas inutile de rappeler le principe de l’interdiction du stockage en France de déchets radioactifs provenant de l’étranger. L’article 3 de la loi du 30 décembre 1991 est explicite. Il est réaffirmé par la loi du 28 juin 2006 : « est interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l’étranger ainsi que celui des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs en provenance de l’étranger ». Ce rappel est important au vu des investissements coordonnés avec la Chine, qui conduisent EDF à construire des centrales et des EPR en Chine et en Grande-Bretagne au prix d’un pari financier incertain.

2016 est l’année de la COP21, réussite essentielle. Nous sommes au lendemain de l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui va permettre à la France de renforcer son indépendance énergétique en équilibrant mieux ses différentes sources d’approvisionnement.

Je ne souhaite pas que cette proposition de loi assure la pérennité de la filière nucléaire. Ces déchets radioactifs ne seront inoffensifs que dans un million d’années au moins. La solution, c’est d’en produire de moins en moins pour finir par ne plus en produire. Nous ne sommes pas dans le monde de l’utopie, et les pays européens donnent l’exemple : la consommation électrique du Portugal a été entièrement couverte par le solaire, l’éolien et l’hydraulique pendant 107 heures, soit quatre jours entiers. En Suède, 52 % de la consommation d’énergie provient des énergies renouvelables, en Finlande 38 %, en Autriche 33 %. Politiques et société civile doivent inciter les entreprises à investir dans des projets d’énergies renouvelables, dans lesquels les ingénieurs et techniciens trouveront de nombreuses raisons de se réjouir d’un développement professionnel réussi. Je regrette que les financements des énergies renouvelables ne soient pas calqués sur ceux de l’industrie nucléaire. S’il incluait le coût du démantèlement des centrales et du stockage des déchets, le prix d’un kilowattheure nucléaire s’avérerait en effet bien supérieur à celui d’un kilowattheure éolien ou solaire.

Cette proposition de loi semble indispensable pour gérer le stockage des déchets radioactifs à vie longue existants. Qu’elle ne nous fasse néanmoins pas oublier que la priorité en matière d’énergie pour les générations futures reste le développement des énergies renouvelables.

Avec les effets du réchauffement climatique et les intérêts incompressibles de la dette, la gestion des déchets nucléaires est le troisième cadeau empoisonné que nous laisserons à nos petits-enfants et à leurs descendants, trois plaies que nous pourrions vaincre si l’espèce humaine se décidait un jour à effacer les traces de son passage sur terre.

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