Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 16h00
Stockage en couche géologique des déchets radioactifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine enfin cet après-midi la proposition de loi des sénateurs Gérard Longuet et Christian Namy précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Adopté à la mi-mai au Sénat, ce texte permettra de relancer le projet dénommé Cigéo, qui prévoit le stockage à Bure, à la frontière entre la Meuse et la Haute-Marne, de déchets radioactifs en couche géologique profonde.

Permettez-moi tout d’abord de saluer cette initiative parlementaire, dont l’ambition, non partisane, est de ne pas laisser aux générations futures le soin d’assumer les contreparties de nos avantages accumulés pendant la période de production de nos réacteurs. L’initiative aurait pu être gouvernementale. Elle est parlementaire, mais l’essentiel est son objectif.

Plusieurs tentatives visant à préciser les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets ont vu le jour ; elles ont malheureusement échoué. En effet, les dispositions que nous examinons ont été insérées dans les avant-projets de loi relatifs à la transition énergétique ou encore à la croissance et à l’activité, puis retirées avant le dépôt des textes au Parlement. Elles ont par ailleurs été intégrées au Sénat, par voie d’amendement, dans la loi Macron et censurées par le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, le dispositif trouve enfin un véhicule législatif. On ne peut que s’en féliciter.

Quels sont les enjeux de ce texte ? Le retraitement des déchets nucléaires constitue une question d’une importance majeure pour le secteur de l’énergie. Le débat ne concerne pas uniquement les élus de la Meuse et de la Haute-Marne, qui connaissent extrêmement bien les problématiques liées au laboratoire d’étude sur le stockage des déchets nucléaires en couche géologique profonde, localisé à Bure. C’est aussi un débat d’une importance nationale, au travers de l’ensemble de la filière nucléaire. En effet, la pérennité de la filière nucléaire dépend également de notre capacité à apporter des solutions responsables au défi que représente le stockage des déchets radioactifs.

Comme le rapporteur a pu le rappeler, notamment en commission, cette proposition de loi s’inscrit, indépendamment des alternances politiques, dans la continuité d’une série de textes législatifs et réglementaires.

Alors que la France avait fait le choix du nucléaire pour produire son électricité dès le début des années 1970, la loi dite Bataille – du nom de notre collègue – du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs marque un tournant, dans le sens où la France s’est dotée, pour la première fois, d’un cadre législatif fixant les règles concernant les déchets radioactifs.

En 2006, la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs est venue compléter les principes posés par la loi Bataille. La loi de 2006 prévoyait notamment la construction d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde destinée aux déchets radioactifs à haute et moyenne activité à vie longue sur le site géologique de la couche d’argile de Bure.

Dans cette continuité, le présent texte est une nouvelle étape, dont l’objectif est de définir la notion de réversibilité prévue par la loi de 2006, qui dit que le stockage géologique profond doit pouvoir être réversible dans des conditions définies par une loi nouvelle.

Le présent texte entend donc préciser la notion de réversibilité posée par la loi du 28 juin 2006 : la réversibilité est la capacité pour les générations futures de revenir sur des décisions prises lors de la mise en oeuvre progressive d’un système de stockage. Cette réversibilité est permise par la progressivité de la construction, l’adaptabilité de la conception et la flexibilité d’exploitation d’un stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde. Ce mode d’élaboration permettra d’intégrer les progrès technologiques et de faire évoluer les solutions de gestion des déchets – notamment liées à une évolution de la politique énergétique.

Cet ajustement législatif de la loi de 2006 procède également du débat public organisé en 2013, qui a fait apparaître une demande de phase industrielle pilote.

Cette phase, dont la présente proposition de loi prévoit le lancement, marquera le début de l’exploitation industrielle du site et permettra de juger de l’efficacité du système.

Par ailleurs, ce texte adapte le calendrier posé par la loi de 2006.

Dans la mesure où la présente proposition de loi apporte des précisions utiles à la notion de réversibilité, tout en engageant une phase industrielle pilote avant l’exploitation courante du projet Cigéo, nous ne pouvons, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que soutenir cette logique de prudence, qui est mère de sûreté.

En conclusion, ce texte va dans le bon sens. Il permettra sans nul doute de faire avancer la problématique de la gestion des déchets nucléaires. Je voterai donc bien sûr en faveur de son adoption. Au-delà des alternances politiques, cette initiative montre l’esprit de responsabilité dont fait preuve notre Parlement.

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