Intervention de Jean Lassalle

Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 16h00
Stockage en couche géologique des déchets radioactifs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je me garderai bien de jeter la pierre à quiconque, car j’appartiens à cette génération qui a soutenu le choix qui nous réunit aujourd’hui. Je l’ai d’ailleurs moi-même soutenu, à mon modeste niveau – à l’époque, je n’étais pas député –, parce que je ne voulais pas, pas plus que je ne le souhaite aujourd’hui, revenir à la lampe à huile, et parce que je croyais à une certaine idée, une certaine vision du progrès. Cela étant, les choses évoluent, tout comme nous. À soixante ans, je fais partie d’une génération qui a bénéficié de tous les avantages de l’incroyable période de paix qu’a connue notre pays, si chèrement acquise par le sacrifice suprême de nos devanciers.

Un bouleversement du monde, comme il s’en est produit par le passé, s’est amorcé depuis une trentaine d’années, peut-être depuis 1983, peut-être depuis la chute du mur de Berlin, en tout cas depuis que notre modèle, auparavant unique, est devenu fou, furieux, au point de nous imposer, à toutes et tous, sa terrible loi. Nous sommes les pauvres marionnettes d’une puissance qui nous dépasse, que nous avons certes contribué à laisser s’installer, certainement par manque de vigilance, et qui, aujourd’hui, nous tient dans sa main. Mon propos n’est pas d’identifier les moyens qui nous permettraient d’y remédier mais de dire que nous ne pouvons plus raisonnablement parler de démocratie et continuer à nous comporter comme nous le faisons au nom des peuples que nous représentons.

Il faut que nous commencions à réfléchir à la manière dont nous allons rouvrir le coeur de nos compatriotes à la réflexion profonde, à leur expliquer les textes et les accords que nous avons signés dans tous les domaines essentiels de notre vie et de notre avenir. Le texte qui nous réunit cet après-midi en fait partie. Je pense qu’il faut inviter dès maintenant tous nos chercheurs à s’exprimer à ce propos. J’ai la chance de rencontrer un grand nombre d’entre eux ; je pensais que cela me serait très difficile, qu’ils me prendraient pour un marginal et ne voudraient pas m’écouter : au contraire, et je suis stupéfait de ce que j’apprends en les écoutant. Des experts, il y en a aussi parmi nous : je pense par exemple à notre collègue Christian Bataille, que j’estime beaucoup pour des raisons purement personnelles. Bien que le connaissant peu, je sais que c’est un homme doué de rigueur morale et animé par une réflexion profonde sur les dossiers. Nous ne pouvons pas tous – et moi le premier – en dire autant.

Les temps changent très vite. La peur s’est insinuée chez nos compatriotes, notamment après la tragédie survenue au Japon. Auparavant, un grand problème moral s’était posé lorsque nous avions appris que des vents avaient dévié les courants venus de Tchernobyl à quelques encablures de la Lorraine. Je pense que nos opinions publiques, d’ici quelques années, vont nous bloquer, ce qui nous conduira à discuter de la réversibilité et des possibilités qui s’offrent à nous en la matière.

Monsieur le secrétaire d’État, je rends hommage à votre courage, car c’est en effet faire preuve de courage politique que de mettre sur la table, devant l’ensemble des partis représentatifs de notre démocratie, un tel sujet, même si nous aurions pu sans doute parvenir à un meilleur résultat en nous réunissant un mardi ou un mercredi après-midi, à l’heure où l’hémicycle est archi-comble.

En tout état de cause, nous sommes beaucoup plus avancés que je ne le croyais dans le domaine de l’énergie solaire. Le moment est maintenant venu de se pencher, en s’éloignant de ce pétrole qui déclenche de féroces et furieuses guerres de religions, comme nous en avions rarement vu, sur la question des déchets, dont nous ne savons que faire. Il faut convoquer le savoir, et ce n’est pas en se faisant du mal les uns les autres – nous portons tous, en effet, un même espoir – que nous y arriverons, mais en remettant l’ouvrage sur le métier : vous avez commencé, je vous en remercie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion