Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le sujet est loin d’être anodin. En fait, il est éminemment démocratique. Il me plaît de participer à un tel débat, à la fois, scientifique, technique, stratégique et profondément démocratique puisqu’il nous revient de décider et d’avancer.
Il s’agit d’un texte de nature technique car nous parlons d’énergie et d’atome. L’atome représente l’une des grandes angoisses du XXe siècle, mais également une de ses grandes chances. La science est ce que les êtres humains en font. Par nature et fonction, elle est ce qu’est l’univers. Ce qui compte, c’est ce que nous en faisons. On en a fait le pire, mais on peut aussi en faire le meilleur.
Or l’énergie représente le meilleur. Mais il existe mille et une sources d’énergie. Nous savons tous que, dans le siècle qui vient, il faudra investir dans les énergies renouvelables car les ressources fossiles ne sont pas infinies. Le nucléaire est une ressource fossile. Il n’empêche que ce qui est là, est là, ce qui est fait, est fait et ce qui doit être fait, doit l’être.
Or la question des déchets, elle est là. Les déchets à vie longue sont aujourd’hui entreposés en sub-surface, ce qui n’est pas acceptable. J’entends que les Américains ne se sont pas engagés dans la même voie que celle qui est proposée. Certes, mais les Américains ont quelque chose que nous n’avons pas, à savoir d’immenses déserts sans eau, sans tremblements de terre. Il n’y a donc pas de risques et ils peuvent entreposer en sub-surface, sous les montagnes. Tel n’est pas le cas sur notre territoire national.
Il importe donc de trouver des solutions, et celle de l’enfouissement souterrain est la seule. Il est important de rappeler certains faits d’ordre scientifique. Allons-nous conserver en subsurface des déchets à vie longue, comme c’est le cas aujourd’hui, alors qu’il pleut en abondance dans notre pays – ce dont on peut par ailleurs se féliciter ? Peut-on conserver le système actuel s’agissant de matières devant être stockées très longtemps, peut-être même au-delà de la vie de l’humanité ? Je rappelle que l’homme de Néandertal a 300 000 ans et qu’Homo sapiens sapiens n’en a que 100 000. Nous ne sommes qu’un petit aléa de l’histoire de la terre ; l’humanité qui écrit, qui parle et qui transmet a à peine 10 000 ans.
Nous avons créé le nucléaire et nous devons en assumer les conséquences. C’est un travail non seulement politique, mais c’est un travail de raison et qui doit être raisonnable. Ce texte aura mis trente ans à aboutir, et l’introduction de la notion de réversibilité est une bonne chose. Il faut engager le processus afin d’en mesurer les conséquences.
Nous devons nous faire confiance, ce qui est le principe même de la démocratie. Cela revient à admettre ce qui a été pensé, discuté, argumenté et qui peut être réfutable. C’est faire confiance à la raison, au raisonnable. La pensée prend le pouvoir scientifiquement, politiquement.
Nous parlons aujourd’hui d’un sujet important, l’entreposage en couche profonde. Nos ingénieurs ont fait un travail considérable dans ce domaine. Nous le constatons, tout change sur notre terre, dans nos sociétés. L’un de nos grands ingénieurs, que je ne nommerai pas, faisait de la sécurisation absolue, avec une absence totale de transparence, un principe essentiel. Aujourd’hui, les ingénieurs se font parangons de la transparence : ils n’échappent pas aux évolutions de la société politique et humaine. La géologue que je suis dit qu’il est temps de faire le travail et d’assumer nos responsabilités.
La France n’a pas de ressources naturelles faciles. Nous n’avons pas de pétrole, disait-on, en d’autres temps. C’est vrai. Nous avons l’intelligence du nucléaire, nous sommes une puissance nucléaire, c’est un fait et il faut en assumer les conséquences. Il faut assumer le stockage, l’assumer sur une longue période tout en continuant à travailler sur les énergies renouvelables. C’est un enjeu fondamental et peut-être avons-nous été un peu en retrait, voire un peu légers sur de tels sujets.
L’autre point qu’il faudra assumer également est la nécessité de ne pas dépenser d’énergie, ou d’en dépenser moins. Nous en dépenserons cependant toujours et il n’est pas imaginable de revenir en arrière, vers des obscurantismes qui se sont toujours déployés dans des sociétés dictatoriales, alors que nous avons la possibilité de travailler du point de vue de la raison, qui est le fondement de la démocratie.
Je soutiens donc pleinement le projet Cigéo. Pour la géologue que je suis, les argiles du lieu où il sera implanté sont correctes et de bonne qualité, permettant un bon travail qu’il est temps de mettre en oeuvre. Nous nous engageons sur la réversibilité et la transparence. C’est tant mieux. C’est la modernité. C’est l’avenir.