Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du 5 juillet 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Merci, monsieur le président, monsieur le rapporteur, d'avoir mis en lumière, dans le présent rapport, deux dysfonctionnements majeurs des moyens mis en oeuvre pour lutter contre le terrorisme depuis janvier 2015.

Le premier est la faillite totale du système européen de contrôle des migrations et l'absence de tout lien entre contrôle des migrations et lutte antiterroriste. Vous soulignez à juste titre et de façon très précise qu'il a fallu attendre le 4 décembre 2015, à savoir onze mois après l'attentat contre Charlie hebdo, pour que les agences Frontex et Europol commencent à échanger des données individuelles collectées par un État membre lors des contrôles aux frontières, qu'il a fallu attendre décembre 2015 pour qu'Europol envoie en Grèce un agent chargé de ces questions alors que 1,8 million de franchissements irréguliers des frontières européennes avaient déjà été enregistrés depuis début 2015. Ce grave dysfonctionnement, qui constitue une faute historique des chefs d'État et de Gouvernement, est bien mis en évidence par le rapport.

La seconde faille considérable que vous relevez est « que tous les Français ayant frappé le territoire national en 2015 étaient connus à un titre ou à un autre des services judiciaires, pénitentiaires ou de renseignement, qu'il s'agisse des frères Kouachi, de Coulibaly, de Samy Amimour ou d'Ismaël Omar Mostefaï ». Il apparaît important que ces éléments soient portés à la connaissance de l'opinion publique. Il s'agit en effet d'en tirer les conséquences, y compris quant à la responsabilité politique du commandement en ces matières.

Pour le reste, je me trouve d'accord avec la plupart des propositions du rapport n'était, et je rejoins Pierre Lellouche, une certaine réserve quant à l'emploi de troupes au sol dans la zone irako-syrienne.

Je souhaite vous faire part de trois propositions complémentaires relatives à la sécurité intérieure.

La première concerne les exécutions et les régimes d'aménagement des peines. Je note, pour m'en satisfaire, la proposition d'exclure les personnes condamnées pour des actes terroristes du bénéfice du crédit de réduction de peine automatique ; mais il faut sans doute, monsieur le rapporteur, appréhender le sujet de manière plus large, avec l'ensemble des dispositifs d'aménagement des peines. J'avais, avec d'autres, fait des propositions très précises en commission des lois à l'automne 2015. Nous avons également présenté, au début de l'année, de nombreux amendements qui ont fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement. Nous remettons tout cela sur l'ouvrage, avec Éric Ciotti, dans une proposition de loi que nous avons déposée il y a une dizaine de jours et visant à donner aux autorités de l'État des pouvoirs exceptionnels afin de mettre hors d'état de nuire les terroristes islamistes qui menacent la nation. Aussi, concrètement, il faut assumer l'idée qu'une peine prononcée doit être entièrement exécutée dès lors que l'on se situe dans un contexte antiterroriste.

Ensuite, le moment me paraît venu – tout en respectant l'article 66 de la Constitution – de prévoir des possibilités de rétention administrative ciblée sur des individus particulièrement signalés par les services de renseignement. Il s'agit de mesures de police administrative – pas de sanctions –, de mesures de préservation de l'ordre public qui peuvent parfaitement, j'y insiste, être envisagées dans le cadre constitutionnel avec, le cas échéant, à un moment de la procédure, l'intervention d'un juge des libertés et de la détention spécialisé. Il me semble, en tout cas, que nous ne pouvons pas laisser dans la nature, libres de leurs mouvements, des individus pourtant parfaitement connus. J'entends bien que le haut du spectre doit toujours faire l'objet d'une judiciarisation – l'objectif est évidemment de mettre les individus concernés sous écrou et de les renvoyer vers l'autorité judiciaire pour des condamnations pénales – mais il y a bien une zone grise, intermédiaire, qui ne peut pas ne pas faire l'objet de mesures ciblées de rétention.

Troisième et dernière mesure : la question des mosquées extrémistes doit être traitée avec beaucoup plus d'ardeur qu'elle ne l'a été ces derniers temps. Au cours des derniers mois, trois ou quatre mosquées ont fait l'objet d'une fermeture sous le régime de la dissolution des groupements de fait ou des associations portant gravement atteinte à l'ordre public. Nous devons nous doter de moyens plus puissants pour que le ministre de l'intérieur ait le pouvoir de s'opposer à l'ouverture ou celui d'ordonner la fermeture de tout lieu de culte présentant une menace grave pour la sécurité nationale. Cette mesure principale devrait être assortie d'une mesure complémentaire qui serait l'interdiction de tout financement étranger direct ou indirect des lieux de culte. Il faudra aussi, permettez l'expression, mettre les pieds dans le plat et assumer une action publique des plus vigoureuses contre ces influences pour le moins pernicieuses qui corrompent une partie de la jeunesse de notre pays et qui menacent gravement la sécurité nationale.

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