Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est réunie quelques heures avant la présente séance, il nous appartient d’examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de règlement du budget 2015. Le texte ayant été rejeté par le Sénat en première lecture, le 7 juillet dernier, il était fort improbable qu’un accord puisse intervenir entre les délégués des deux chambres. L’examen des deux rapports effectués au nom des deux commissions des finances parlementaires est instructif : la grille de lecture adoptée pour expliquer la bonne tenue générale de nos finances publiques n’est pas la même, mais elle aboutit au même constat.
Notre rapporteure générale insiste sur la diminution des déficits, la baisse des prélèvements obligatoires et le ralentissement de la progression de la dette. Le rapporteur général de la commission sénatoriale force le trait sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales et l’ampleur exceptionnelle des recouvrements de nature fiscale. Notre collègue Valérie Rabault conteste l’analyse livrée par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, tandis qu’Albéric de Montgolfier la reprend à son compte.
Une parfaite objectivité et une étude attentive des éléments constitutifs du projet de loi de règlement devraient nous amener à considérer que la vérité est contenue dans les deux rapports, ou qu’elle se situe à mi-chemin. En effet, si l’annonce par le Gouvernement d’un programme d’économies de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 relevait largement d’un exercice de communication, et si l’effort d’économies effectivement réalisé est moindre que celui qui était affiché, il ne faut pas pour autant sous-estimer la réalité des économies budgétaires réalisées.
Si la méthode de calcul retenue, fondée sur la hausse tendancielle des dépenses publiques, conduit évidemment à majorer plus ou moins artificiellement les économies affichées, ce n’est pas anormal et, en tout cas, ce n’est pas la première fois ! De plus, la comptabilité nationale étant une science que l’on pourrait qualifier de circulaire, la bonne tenue des dépenses dépend de la qualité des prévisions en termes de recettes. Et, comme tout le monde s’accorde à considérer que les prévisions gouvernementales se révèlent prudentes et conformes à la situation constatée ex post, on peut donc affirmer sans faire injure à quiconque que la gestion des finances publiques par le présent gouvernement est sérieuse. Il faut le souligner, aussi le soulignons-nous !
Notre rapporteure générale estime que les dépenses de l’État en 2015 respectent les deux normes de dépenses. Notre collègue de la Haute assemblée juge, quant à lui, que si la norme en volume est respectée « de justesse », la norme en valeur est dépassée en raison de l’insincérité de la budgétisation initiale de la mission « Défense ». Notre rapporteure générale calcule que la norme « zéro valeur » a été sous-exécutée de 100 millions d’euros par rapport à la prévision du collectif budgétaire pour 2015 ; le rapporteur du Sénat estime, de son côté, que cette norme a été dépassée de 1,4 milliard d’euros en exécution par rapport au projet de loi de finances initiale.
Si le collectif budgétaire de 2015 prévoyait 1,5 milliard d’euros d’annulation de crédits, tout le monde devrait s’y retrouver. D’autant plus que cette norme avait été revue à la hausse de 2,1 milliards d’euros en raison du transfert au budget général des dépenses du compte d’affectation spéciale « Gestion des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », ce dont tout le monde se félicite au nom de la bonne gestion.
Bref, je ne tenterai pas davantage d’accorder les points de vue émis par les représentants des deux chambres, puisque cette démarche est maintenant vaine. Je me contenterai de réitérer les félicitations que je vous avais adressées, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi de règlement pour 2015.
En 2014, les dépenses du budget général étaient en baisse nette de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2013. En 2015, la baisse des dépenses, y compris la charge de la dette et les pensions, se chiffre à 1,4 milliard d’euros par rapport à 2014. Cette tendance doit être confirmée, et aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne devra s’en détourner. Le recours à quelques artifices comptables, aveu d’une solution de facilité, n’est pas préoccupant, tant qu’il reste exceptionnel.
La question est de savoir si l’environnement économique, encore plus fragilisé par le Brexit, nous permettra, en tant qu’État, de garder la maîtrise souveraine de nos finances, au moment où la situation économique s’améliore dans la zone euro, puisque la reprise s’y confirme, tandis que l’activité mondiale ralentit légèrement du fait d’un fléchissement de la croissance dans les pays émergents.
Pour l’instant, la divergence des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique n’a pas de conséquence négative, puisqu’elle était anticipée : le taux de change eurodollar est globalement stable. Cependant, cela va-t-il durer ? La faiblesse de l’inflation qui pèse sur les prévisions de recettes et l’intégrité de certaines économies assises sur les prestations sociales – faiblesse qui repose principalement sur les bas prix du pétrole – va-t-elle perdurer quand les masses énormes de liquidités émises par les banques centrales viendront, enfin, irriguer ce qu’il est convenu d’appeler l’économie réelle ?
Les taux d’intérêt remonteront-ils brusquement, venant ainsi renchérir le coût de la dette, dont l’encours devient difficilement soutenable ? Alors que l’activité au sens large connaît toujours une croissance inférieure à son rythme d’avant-crise, que l’industrie continue inexorablement de détruire des emplois – destructions non compensées par les créations d’emplois dans les services –, alors que le taux d’emploi en France reste très faible, le déclassement économique nous guette-t-il ?
Ces préoccupations sont partagées sur tous les bancs de cet hémicycle. L’incertitude, la peur du risque, le confort de la rente, la volonté acharnée de certains à vouloir échapper à l’impôt, la farouche opposition de communautés nationales entières à toute forme de solidarité régionale ou internationale… Ces maux n’ont qu’un remède : la redéfinition d’un contrat social renouvelé, modernisé, où l’accès libre à un système de libertés, notamment économiques, soit garanti, et où chacun puisse avoir un avantage à vivre et prospérer au sein de la communauté nationale.
Nous devons tous engager ce débat. Et, en guise d’augure, je confirme, au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, que nous voterons ce projet de loi de règlement.