Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 12 juillet 2016 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Par ailleurs, les dépenses publiques, vues comme le mal absolu, sont naturellement ciblées par l’Europe : leur augmentation ne saurait dépasser ce que l’on appelle la croissance potentielle. Et si l’État ne rentre pas ou plus dans les clous fixés, il peut être sanctionné d’une amende qui peut aller de 0,2 à 0,5 % de son PIB. Cette Europe de l’austérité, qui punit plutôt qu’elle ne protège, cette Europe loin du terrain, les peuples n’en veulent plus ! Ce corset budgétaire n’est d’ailleurs certainement pas étranger au désenchantement des populations à l’égard d’une technostructure bien incapable de proposer des perspectives politiques positives à toutes et à tous.

Dès lors, la France doit saisir le Brexit comme une opportunité. Depuis le référendum britannique, l’Union européenne cherche sa voie pour se réformer et recréer ce lien essentiel avec le peuple. Tour à tour, les dirigeants européens prennent la parole pour dire que rien ne saurait être comme avant. Ainsi du Président de la République, qui déclarait le 30 juin dernier que « l’immobilisme conduirait tôt ou tard à la dislocation ». Ainsi du Premier ministre, qui appelle à la « refondation » de l’Europe. Bien plus que des paroles, la situation exige des actes forts. Si notre pays n’endosse pas le rôle que l’histoire l’oblige à jouer, l’Europe se condamnera au statu quo, à l’immobilisme et à la rupture définitive avec les peuples.

Oui, notre pays doit prendre ses responsabilités : nous devons jouer cartes sur table avec l’Allemagne et combattre les projets rétrogrades portés par les néoconservateurs d’outre-Rhin. M. Schäuble, le ministre allemand des finances, n’est-il pas en train de préparer un contre-projet visant à renforcer la répression à l’égard des pays en déficit et ainsi tenter de tuer dans l’oeuf tout projet politique européen ambitieux mettant la démocratie, l’emploi et l’investissement au premier rang des priorités ?

Que propose-t-il ? Tout simplement de permettre à l’Union européenne de rejeter les budgets nationaux si ceux-ci ne remplissent pas les critères du pacte de stabilité que j’évoquais à l’instant. Aussi propose-t-il le non-versement des aides structurelles si un État décide de ne pas se soumettre aux réformes exigées par Bruxelles. Enfin, considérant la Commission européenne comme trop politique, il conviendrait, selon lui, d’en réduire les prérogatives en matière budgétaire et de les confier à une autorité indépendante.

Ces propositions sont tout bonnement ahurissantes. Mais à vrai dire, elles ne sont guère surprenantes quand on en connaît l’auteur. Elles visent à mettre la règle au coeur de la question budgétaire afin que celle-ci s’applique de manière ferme et uniforme. Pis, elles visent à rompre définitivement le lien entre le pouvoir politique et les questions budgétaires, ce qui est par nature profondément antidémocratique. On confierait ainsi à des experts indépendants, des techniciens censés être neutres, le soin de juger la qualité des orientations et de l’exécution d’un budget, le mettant ainsi à l’abri des soubresauts de la vie politique et démocratique.

Ces propositions sont de la pure folie ! Quel est donc leur but ? En réalité, elles visent à garantir le statu quo, et c’est bien là notre crainte. En préparant un projet politique délirant, le ministre allemand des finances veut s’assurer de contrecarrer tout projet politique de solidarité, qu’il voit comme profondément néfaste.

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