M. Alain Suguenot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'inquiétude de nombreux chefs d'établissement quant aux demandes de plus en plus fréquente d'exclusion de la viande de porc et des produits de charcuterie des cantines scolaires. Des parents d'élèves, qui ont choisi de bannir le porc de leur alimentation, demandent purement et simplement la suppression de cette viande dans les cantines scolaires que fréquentent leurs enfants. La France a toujours accordé une grande importance au respect de chacun, à celui du principe républicain de laïcité ainsi qu'à la possibilité d'avoir accès à toute la richesse gastronomique de notre pays, d'autant que l'éducation alimentaire est un enjeu fondamental pour les jeunes générations. On ne peut pas céder à des comportements intransigeants qui ne correspondent pas à notre tradition républicaine de laïcité. Aussi il lui demande de bien vouloir lui préciser la fermeté de son Gouvernement à ce sujet pour ne pas céder à ces exigences démesurées.
Comme l'a réaffirmé à plusieurs reprises le juge administratif, la création d'un service de restauration scolaire ne présente pas un caractère obligatoire, car il ne s'agit pas d'une obligation liée au service public de l'enseignement. La fréquentation de la cantine par les élèves n'est pas non plus obligatoire. Les parents qui souhaitent y inscrire leurs enfants le font après avoir pris connaissance des modalités de fonctionnement du restaurant scolaire, qui sont souvent rappelées dans un règlement intérieur du service de restauration. S'agissant plus précisément du menu des cantines, la loi du 31 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré aux collectivités territoriales la compétence en matière de restauration scolaire. Il appartient donc au conseil municipal pour les écoles, au conseil général pour les collèges et au conseil régional pour les lycées de définir le type d'aliments proposés aux élèves. La circulaire du 16 août 2011 du ministère de l'intérieur relative au rappel des règles afférentes au principe de laïcité - demandes de régimes alimentaires particuliers dans les services de restauration collective du service public, rappelle que « des demandes particulières, fondées sur des motifs religieux, ne peuvent justifier une adaptation du service public » et dispose que « le fait de prévoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour les usagers ni une obligation pour les collectivités ». Ainsi la circulaire n'oppose pas d'interdiction de principe à la diversification des menus afin de répondre à certaines convictions. Elle exclut en revanche toute revendication de droit en la matière en fonction du culte et des croyances individuelles, la collectivité disposant d'un libre arbitre en la matière. Seules les prescriptions nutritionnelles relatives à la composition des repas tiennent lieu d'obligation. Aucune obligation de prévoir des plats de substitution en raison de pratiques d'ordre confessionnel ne saurait donc contraindre les collectivités. On constate que la plupart des municipalités ont fait preuve de pragmatisme, et comme le rappelle la circulaire du 16 août 2011 précitée, « la plupart des cantines proposent depuis longtemps des substituts au porc, et servent du poisson le vendredi, permettant ainsi le respect des trois principaux cultes présents en France ». Pour les mairies qui s'en tiennent au principe de neutralité religieuse en matière de repas scolaires et afin d'éviter tout litige, le rapport du défenseur des droits du 28 mars 2013 relatif à l'égal accès des enfants à la cantine scolaire, recommande d'informer les parents lors de l'inscription à la cantine et d'afficher les menus à l'avance afin de permettre aux parents de prévoir les jours de présence de leur enfant. En tout état de cause, ce rapport rappelle que « le refus d'une collectivité d'adapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande, proposer un plat de volaille à la place d'un plat à base de porc, ...) ne saurait être assimilée à une pratique discriminatoire puisqu'aucun refus de principe concernant l'accès à la cantine n'est par ailleurs opposé aux parents ». En matière de restauration scolaire, il revient donc aux organes délibérants des collectivités locales de poser des règles et de définir leur menu et il n'appartient pas au ministre de l'éducation nationale de leur donner des instructions dans ce domaine.
3 commentaires :
Le 02/10/2013 à 14:51, laïc a dit :
J'ai personnellement écrit au Maire de Villiers sur Marne, M. Benisti, par ailleurs député, pour m'indigner du fait que le porc avait quasiment disparu du menu des cantines scolaires de sa ville (1 fois dans le mois d'octobre cette viande apparemment éminemment conflictuelle apparaît, avec une viande de remplacement par ailleurs proposée). Par ailleurs, lors de l'inscription des enfants à la cantine, l'administration communale demande officiellement aux administrés s'ils veulent que leur enfant mange ou non du porc à la cantine. Or, nous sommes dans un pays laïc, où les questions de préférence et d'identité religieuses n'ont pas à être prises en compte. Ce déni de laïcité, cette laïcité qui refuse de prendre en compte les spécificités religieuses des individus, indispose le citoyen laïc que je suis. Allons-nous bientôt nous aligner sur la Grèce, où la religion des individus figure sur la carte d'identité ? Ce serait tellement plus pratique pour éviter de servir malencontreusement de la viande de porc à quelqu'un qui s'obstine à ne pas en manger.. Et puis, on commence par le porc, et après on demandera qu'il y ait des classes où les filles seront séparées des garçons, et ensuite on demandera que la théorie de l'évolution soit supprimée des programmes (si elle ne l'est pas déjà...), et ainsi de suite. Donc, la seule culture qui prévaut en France, c'est celle que l'histoire de notre pays depuis les Gaulois et les Romains a façonné depuis cette époque.
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Le 02/06/2015 à 11:27, laïc a dit :
La réponse dit : "En tout état de cause, ce rapport rappelle que « le refus d'une collectivité d'adapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande, proposer un plat de volaille à la place d'un plat à base de porc, ...) ne saurait être assimilée à une pratique discriminatoire puisqu'aucun refus de principe concernant l'accès à la cantine n'est par ailleurs opposé aux parents ».
Il ne faudrait pas inverser les rôles, et tenter de trouver des excuses à l'Etat quand il applique la laïcité, alors que ce sont ceux qui créent les doubles menus qui font des pratiques discriminatoires. Où est la discrimination quand on dit : "Un seul repas pour tous sans distinction de religion ?"
D'autre part, quand le juge administratif dit que la restauration scolaire n'a pas de caractère obligatoire, cela ne signifie pas que la laïcité n'y a pas non plus de caractère obligatoire, car la laïcité est un principe universel de notre République, qui s'applique autant dans les services publics obligatoires que facultatifs.
Par ailleurs, la réponse dit : «La circulaire du 16 août 2011 du ministère de l'intérieur relative au rappel des règles afférentes au principe de laïcité - demandes de régimes alimentaires particuliers dans les services de restauration collective du service public, rappelle que « des demandes particulières, fondées sur des motifs religieux, ne peuvent justifier une adaptation du service public » et dispose que « le fait de prévoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour les usagers ni une obligation pour les collectivités ». Ainsi la circulaire n'oppose pas d'interdiction de principe à la diversification des menus afin de répondre à certaines convictions."
Là, la réponse se méprend complètement sur le sens de cette circulaire. En effet, la circulaire dit bien : "les demandes particulières, fondées sur des motifs religieux, ne peuvent justifier une adaptation du service public". Or, pouvoir, en droit, c'est devoir. Quand l'Etat dit : "vous ne pouvez pas entrer dans cette zone", il faut comprendre: "vous ne devez pas entrer dans cette zone". Ainsi, la circulaire dit clairement : les demandes particulières, fondées sur des motifs religieux, ne doivent pas justifier une adaptation de service", et on en conclut que cette circulaire interdit strictement les doubles menus, et non pas, comme dit la réponse fort peu honnêtement : " la circulaire n'oppose pas d'interdiction de principe à la diversification des menus."
Enfin, pour ce qui est du respect des cultes, si le respect du culte aboutit à une violation de la loi républicaine c'est la loi républicaine qui doit s'imposer et le respect des cultes qui doit s'effacer. Au nom du respect des cultes, plus aucune laïcité ne serait possible, car le respect du culte entraînerait la distinction du culte, donc la distinction de la religion, et aboutirait à une politique discriminative anti-laïque sans laquelle le respect du culte n'est plus possible. La laïcité doit s'appliquer face à toutes les religions, sans distinction de religion.
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Le 07/11/2015 à 22:04, laïc a dit :
J'ai dit, dans mon premier commentaire : " Allons-nous bientôt nous aligner sur la Grèce, où la religion des individus figure sur la carte d'identité ?"
Sur ce point, j'ai été mal informé, car voici ce que j'ai trouvé :
"Le gouvernement grec a indiqué que la mention de la religion sur les cartes d'identité était contraire à une loi de 1997 et le récent ministre de la justice Stathopoulos a enfin procédé à son interdiction le 15 mai 2000. Celui-ci a ainsi dénoncé la situation d'inégalité qui prévaut en matière religieuse en Grèce où la religion chrétienne orthodoxe est la religion officielle. L'Eglise orthodoxe grecque en est évidemment horrifiée. La question de la suppression de la mention de l'appartenance religieuse sur les cartes d'identité était apparue au début des années 90 et en 1993 le Parlement Européen l'avait à son tour critiqué. Le gouvernement avait à l'époque proposé de la rendre facultative mais l'opposition du clergé avait obtenu le maintien de son obligation. Contrairement aux religions réactionnaires, la laïcité progresse".
Le secret concernant la religion du citoyen est un aspect décisif et fondamental du droit qu'à chacun de croire ou de ne pas croire. Nul ne peut être contraint d'une manière ou d'une autre à avouer publiquement sa religion ou son absence de religion, que cela soit directement : "quelle est ta religion ?" ou indirectement : "quelle est ta pratique cultuelle ?" (soit :"peux-tu manger du porc ?")
C'est bien évidemment à la justice de faire respecter ce secret religieux, bien plus qu'au pouvoir politique, dont on connaît par expérience l'incapacité et la duplicité dès que des problèmes de religion et de communautarisme apparaissent.
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