M. Jacques Bompard alerte M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les liens problématiques de plus en plus étroits entre notre pays et l'Arabie Saoudite. Le Président de la République a, effectivement, réaffirmé dernièrement « l'engagement de la France » aux côtés des pays du Golfe. M. le ministre de la défense a lui aussi déclaré que « même si nous n'intervenons pas directement, nous nous tenons aux côtés de ceux qui agissent pour rétablir la stabilité dans ce pays [le Yémen] ». Par les derniers actes de la diplomatie française, notamment la récente livraison d'armes françaises à l'armée libanaise grâce à un don saoudien de 2,8 milliards de dollars, il est possible de voir un raffermissement des accointances entre notre pays et la monarchie saoudienne. Or ces liens présentent un caractère manifestement problématique pour notre politique extérieure. Tout d'abord, cela signifie que la France soutient un régime qui n'hésite pas à utiliser des munitions à fragmentation d'origine américaine (selon Human Rights Watch), faisant notamment des victimes parmi les civils yéménites, alors que l'usage de ce type de munitions est interdit par la Convention sur les armes à sous-munitions (2008), traité néanmoins non signé par l'Arabie saoudite, les États-Unis et le Yémen. Ensuite, cela revient, de fait, à s'aligner sur la perspective belliciste de l'Arabie saoudite, alors même que les États-Unis sont en train, lentement et progressivement, de se défaire de leur ancien partenariat avec la monarchie saoudienne ; alors même que les États-Unis et la Russie sont en train de montrer qu'une sortie de crise pacifique vis-à-vis de l'Iran demeure possible. La politique manifeste de la France de rapprochement avec l'Arabie saoudite représente une rupture totale avec la politique arabe traditionnelle de la France - entretenue de de Gaulle à Chirac - qui était celle de la recherche de l'équilibre au Moyen-Orient. Ce renforcement des relations entre nos deux pays se trouve ainsi être d'autant plus dangereux que l'Arabie saoudite constitue la principale mamelle nourricière pour la radicalisation de l'Islam à travers le monde. Ses liaisons avec le terrorisme islamique sont même de moins en moins indéniables. Par conséquent, le régime wahhabite représente une menace tant pour la région - en luttant aux côtés des États-Unis et d'Israël contre les régimes arabes modernisateurs et stabilisateurs - que pour notre paix et notre stabilité intérieure future. Il n'est pas d'intérêts économiques ou politiques de court terme qui ne puissent justifier une telle prise de risque sur l'avenir. Enfin l'alliance objective avec l'Arabie saoudite vient ôter toute cohérence à la politique extérieure de notre pays : combattre, d'un côté, le fondamentalisme islamique soutenu par l'Arabie saoudite et le Qatar sur les terrains malien, centrafricain ou irakien, et, de l'autre côté, avoir la volonté de faire de la monarchie saoudienne notre plus grand allié au Moyen-Orient constitue indubitablement une contradiction fondamentale. Il l'enjoint, par conséquent, d'examiner le mal-fondé de la politique d'alliance avec l'Arabie saoudite et de donner une nouvelle orientation à la politique extérieure de la France, une politique plus conforme à sa nature et à ses intérêts.
L’Arabie saoudite est un partenaire majeur de la France dans la région, avec lequel elle entretient des liens dans les domaines politique, stratégique et économique. La visite que le Premier ministre vient d’effectuer le 13 octobre à Riyad porte le témoignage du dynamisme de cette relation. Sur l’ensemble des crises au Levant et au Moyen-Orient, la France veut demeurer un facilitateur indépendant, qui parle avec tous les principaux acteurs et travaille à la recherche de solutions politiques. En ce qui concerne le Yémen, la France soutient l’action de la coalition dont l’objectif est de faire appliquer la résolution 2216 des Nations unies et de restaurer l’autorité légitime du pays. Cette action s’inscrit dans le cadre du droit international puisqu’elle répond à une demande du président légitime du Yémen, M. Hadi. Très attachée au respect du droit international humanitaire, la France est préoccupée par les rapports signalant le possible usage d’armes à sous-munitions au Yémen. Les armes à sous-munitions sont interdites par la convention d’Oslo de 2008, entrée en vigueur en 2010. La France, qui est l’un des premiers Etats à l’avoir ratifiée, est fortement mobilisée en faveur de son universalisation. Les récents attentats perpétrés par Daech contre des mosquées fréquentées par la communauté chiite ou les forces de sécurité montrent que l’Arabie saoudite est directement confrontée à cette menace. Les autorités saoudiennes sont claires dans leur détermination à lutter contre Daech. L’Arabie saoudite prend part aux frappes de la coalition internationale depuis septembre 2014. La plus haute autorité religieuse du pays, le grand Mufti d’Arabie saoudite, a qualifié Daech et Al-Qaïda "d’ennemi numéro un de l’islam". Il a rappelé à cette occasion que les musulmans sont les principales victimes de ces groupes extrémistes. La qualité du dialogue de la France et la profondeur des liens tissés lui permettent d’aborder en toute franchise l’ensemble des sujets. C’est la ligne qu’elle suit, y compris sur la question des droits de l’Homme. La France est attachée au respect des droits de l’Homme dans tous les pays. Concernant la peine de mort, elle a toujours marqué son opposition à la peine capitale en tous lieux et toutes circonstances. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont de nouveau souligné lors de leurs déplacements à Riyad.
1 commentaire :
Le 26/06/2015 à 09:44, laïc a dit :
"Ce renforcement des relations entre nos deux pays se trouve ainsi être d'autant plus dangereux que l'Arabie saoudite constitue la principale mamelle nourricière pour la radicalisation de l'Islam à travers le monde. "
On les a bien vus rentrer à l'Elysée hier aux informations les émissaires saoudiens, en présence de Hollande, que c'est bon de vendre du matériel militaire à un des Etats les plus dangereux de la planète. Et bien sûr pas un mot sur les droits de l'homme ou sur le blogueur M. Badawi emprisonné pour penser librement... Et après M. Valls va nous parler des "valeurs de la République", des droits de l'homme et autre chimères électorales, qui n'existent que dans ses discours.
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