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Bérengère Poletti
Question N° 84290 au Ministère de la décentralisation


Question soumise le 7 juillet 2015

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur la problématique des arrêts maladies dans les collectivités territoriales. Il semblerait que le nombre de jours d'arrêts par agent des collectivités territoriales a augmenté de 12 % depuis 5 ans, passant de 22 à 24 jours entre 2009 et 2014. Aussi le taux d'absentéisme augmente dans les collectivités territoriales ce qui pose de nombreux problèmes de fonctionnement et d'organisation. De plus, ces absences coûtent chères aux collectivités. S'il est vrai que le vieillissement de la population et donc des agents publics employés peut expliquer en partie ce constat, il ne suffit pas à lui seul à justifier cette hausse. L'opposition demande régulièrement le rétablissement d'au moins un jour de carence dans la fonction publique ce qui aurait un caractère dissuasif. Toutefois, le Gouvernement s'obstine à refuser. Aussi, dans un contexte économique particulièrement difficile pour les collectivités territoriales et dans un souci de performance publique, elle la prie de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à la situation.

Réponse émise le 29 décembre 2015

Un jour de carence pour les congés maladie « ordinaire » a été instauré en 2012 dans la fonction publique, puis abrogé par la loi de finances pour 2014. Les données de référence relatives aux absences pour raisons de santé dans la fonction publique territoriale n’ont pas montré de recul significatif des arrêts de courte durée entre 2011 et 2012. En effet, selon le rapport annuel sur l’état de la fonction publique, la proportion des agents absents au moins un jour au cours de la semaine de référence est restée stable à 4,5 % dans la fonction publique territoriale. Selon la synthèse des bilans sociaux des collectivités locales réalisée par la direction générale des collectivités locales, en 2011, c’est-à-dire avant l’introduction d’un jour de carence dans la fonction publique territoriale, on dénombrait en moyenne 21,8 journées d’absence par agent permanent, pour raisons de santé. Les motifs d’absence pour raisons de santé comprennent la maladie ordinaire, la longue maladie, les accidents du travail et la maladie professionnelle. Selon des résultats partiels obtenus sur un échantillon de 3 000 collectivités représentatives, le nombre moyen de jours d’absence pour raisons de santé s’établirait à 22,4 jours en 2013, alors que le dispositif du jour de carence était en vigueur. En 2014, année de l’abrogation du jour de carence, l’exploitation de l’enquête complémentaire aux bilans sociaux n’indique pas d’augmentation des absences pour raisons de santé : on observe une stabilité puisque le nombre de jours d’absences pour raisons de santé s’établirait à 22,1 jours par agent. Par ailleurs, les absences pour raisons de santé dans la fonction publique territoriale s’expliquent par le nombre important d’agents de catégorie C (plus des trois-quarts des effectifs) qui exercent des métiers à dominante technique, plus exposés aux risques. Elles s’expliquent également par la proportion assez importante d’agents de 50 ans et plus : 35 % contre 29 % dans la fonction publique de l’Etat et 28 % dans la fonction publique hospitalière. En outre, présentée comme un élément d’« équité » entre le secteur public et le secteur privé, l’application du jour de carence a, en réalité, mis en évidence le fait que les salariés du secteur privé bénéficiaient, dans une très large mesure, d’une neutralisation de ce dispositif. Selon un rapport de janvier 2015 de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, deux tiers des salariés du secteur privé sont protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence, par le biais de la prévoyance d’entreprise. Les fonctionnaires étaient dans une situation injuste par rapport à la très grande majorité des salariés puisque le jour de carence privait de toute rémunération 100 % des agents publics pour le premier jour de leur arrêt maladie. La nécessaire recherche de l’équité entre fonctionnaires et salariés implique cependant que les arrêts maladie soient soumis, dans tous les cas, à un régime de contrôle identique et à un renforcement des mesures contre les arrêts abusifs. Le décret no 2014-1133 du 3 octobre 2014 relatif à la procédure de contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires prévoit, sous certaines conditions, une réduction de la rémunération du fonctionnaire en cas de non-transmission, à l’administration dont il relève, d’un avis d’interruption de travail dans un délai de quarante-huit heures. Enfin, la prévention de l’absence pour raison de santé passe avant tout par le développement d’actions nouvelles en matière de santé et de sérénité au travail et de qualité de vie au travail.

5 commentaires :

Le 07/07/2015 à 11:20, laïc a dit :

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"L'opposition demande régulièrement le rétablissement d'au moins un jour de carence dans la fonction publique ce qui aurait un caractère dissuasif."

Dissuasif de quoi ? Mme pense sans doute que les fonctionnaires vont voir le médecin pour tirer au flanc, mais certainement pas pour se soigner de telle ou telle maladie.

Ce qui est drôle est que Madame en appelle au souci de "performance publique"... comme si inciter les gens à aller travailler même malades en remettant le jour de carence (plutôt travailler malades que faire baisser le salaire...) allait améliorer les performances du service public... Il vaut mieux que les agents malades restent chez eux plutôt que de faire un travail au ralenti qui va perturber la bonne marche du service, ou plutôt encore que de contaminer les autres de leurs microbes en cas de maladies infectieuses (genre grippe ou gastro), ce qui pour le coup mettra chaos le service et ruinera définitivement le rendement des performances publiques, et causera plus de pertes financières que n'importe quelle suppression du jour de carence.

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Le 27/11/2016 à 19:30, Laïc1 a dit :

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Reprenons les chiffres de la réponse :

Avant l'instauration du jour de carence, 21.8 journées d'absence par agent permanent, pour raisons de santé.

Pendant l'instauration du jour de carence, on passe à 22.4 journées.

Après l'abrogation du jour de carence, on passe à 22.1 jours d'absence.

Il faut préciser ici que de nombreux fonctionnaires, la très grande majorité, ne prennent que peu d'arrêt maladie par an, loin de la vingtaine de jours indiquée par la réponse. Dans cette moyenne sont apparemment comptés les journées de longue maladie, ce qui fausse les chiffres, et leur compréhension, puisqu'un fonctionnaire absent pour cause de longue maladie se soucie moins de son jour de carence. Celui-ci concerne surtout le fonctionnaire qui est peu malade, très occasionnellement et pour des maladies de courte durée (finalement le fonctionnaire le plus apte au travail, et qui ne doit arrêter son travail que pour réelle raison de santé).

Dans ces conditions, pour que les chiffres aient une réelle signification, il faudrait indiquer non pas les journées d'absence, mais plutôt le nombre d'arrêts maladie demandés par fonctionnaire et par an, car ce sont les fonctionnaires qui vont demander 2 ou 3 jours d'absence qui seront les plus pénalisés.

Ceci précisé, on s'aperçoit que les journées d'absence pour raison de santé sont supérieures pendant l'instauration d'un jour de carence que pendant son abrogation.

Dès lors, l'argument de la droite selon lequel la journée de carence a un effet "dissuasif" est détruit, puisque les fonctionnaires demandent plus de journées d'arrêt maladie quand il y a une journée de carence que lorsqu'il n'y en a pas. La droite se trompe ainsi complètement : quand le fonctionnaire est malade, il va voir le médecin, qu'il y ait un jour de carence ou non.

Par ailleurs, la droite suggère que les arrêts maladie sont bidons, et qu'ils ne servent à qu'à conforter la fainéantise du fonctionnaire...

Cela revient à accuser les médecins de complaisance, et d'arrêts maladie bidons. Mais on sait que l'immense majorité des médecins vote à droite, que ce soit pour Fillon ou pour Juppé...(les deux réclament le retour du jour de carence, les deux sont donc aussi idéologisés de la même façon, et aussi peu crédibles ...), dès lors, s'il y avait fraude aux arrêts maladie, on en déduit nécessairement que c'est bien la droite qui trafiquerait les arrêts maladie des fonctionnaires... Pourquoi la droite ne ferait-elle pas alors repentance de son manque de professionnalisme, et ne s'accuserait pas de ce qu'elle prétend dénoncer, à savoir une fausse médecine destinée à flatter la fainéantise supposée des fonctionnaires ? Rien n'oblige le médecin à faire un arrêt maladie, s'il le fait, c'est en connaissance de cause, et si la droite veut accuser les journées d'absence, qu'elle accuse plutôt ceux qui les font, qui sont ceux qu'elle représente... Mais je pense pour ma part que les médecins ne font pas d'arrêts maladie bidons, et que la droite cherche comme d'habitude des faux arguments pour accuser les fonctionnaires, au nom de sa haine sociale, de sa recherche permanente du bouc émissaire responsable de la crise, quand le responsable de la crise n'est rien d'autre que sa propre malhonnêteté et son incapacité à diriger efficacement un pays tel que la France.

Enfin, je remarque que les arrêts maladies personnels et les arrêts maladies dûs à des accidents professionnels sont comptabilisés de la même façon : la droite, s'il lui restait une onde d'honnêteté, ferait remarquer que l'on ne peut pas compter les maladies professionnelles et les accidents du travail comme les autres maladies, puisque ces accidents du travail ne sont reconnus comme tel que s'ils ont des causes avérées : il faut produire au moins un témoin si on veut que son accident du travail soit reconnu comme tel, ce qui invalide l'idée que même les arrêts maladies professionnels sont dûs à des causes fictives, pour truander l'administration, et ne rien faire...

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Le 28/11/2016 à 13:58, Laïc1 a dit :

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Si on réfléchit davantage, et si on veut trouver une explication au fait qu'il y a plus de journées de maladie pendant l'instauration de la journée de carence que pendant la durée de son abrogation, elle est simple : le fonctionnaire malade sait que pendant son arrêt maladie longue durée, il peut tenter de reprendre le travail. Des fois on hésite : "suis-je apte ou non à reprendre le travail ?" Et, s'il n'y a a pas de pression d'ordre financier, le fonctionnaire sera tenté de reprendre le travail, "pour voir", pour se tester lui-même et voir s'il peut travailler malgré sa maladie qu'il pense supportable.

Tandis que pendant l'instauration de la journée de carence, le fonctionnaire sait pertinemment que s'il veut se tester, savoir s'il peut ou non reprendre le travail, et que si sa tentative échoue, il sera obligé de demander un nouvel arrêt maladie, et donc de payer un ou plusieurs jours de carence. Dès lors, l'enjeu en vaut-il la chandelle ?

La sanction financière est en effet dissuasive, mais dans le sens opposé à celui que pense (bêtement comme d'habitude....) la droite : le jour de carence dissuadera le fonctionnaire en arrêt longue maladie de se tester et de reprendre ne serait-ce que provisoirement le travail, tandis que le fonctionnaire en arrêt longue maladie pendant l'abrogation du jour de carence ne sera pas embarrassé par la peur de perdre de l'argent en cas de retour avorté, et il sera encouragé à reprendre le travail, sans la crainte financière d'un échec.

C'est pourquoi les journées en arrêts maladies sont plus nombreuses pendant la période de carence que pendant la période de non-carence.

Finalement ce jour de carence pénalise les fonctionnaires malades mais néanmoins courageux, qui veulent tenter de travailler malgré leur maladie, et les incite à rester chez eux. Bravo donc la droite pour encourager la maladie plutôt que la résistance et le retour au travail. Et ce sont de tels ahuris qui veulent gouverner la France...

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Le 30/11/2016 à 09:04, Laïc1 a dit :

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Pour confirmation de ce que je viens de dire précédemment, voici un extrait d'un article récent du figaro :

Voir le graphique ici :

http://i.f1g.fr/media/figaro/805x501/2016/11/29/XVMde312ca6-b62e-11e6-ad48-6bd3f2958c2a-805x501.jpg

On constate que l'augmentation des journées maladies coïncide en 2011 avec le retour du jour de carence, et que la diminution du nombre de journées de carence coïncide avec l'abrogation du jour de carence, en 2013. (le contraire de ce qu'espérait la droite avec son retour du jour de carence...)

Explication (partielle) du Figaro :

"La durée moyenne d'arrêt progresse de 5% entre 2007 et 2015. Elle passe de 34 à 36 jours en huit ans et retrouve ainsi en 2015 son niveau de 2010. Pourquoi? «L'inversion de la tendance est notamment liée aux modalités statutaires de prise en charge en maladie ordinaire, qui entraînent une augmentation des arrêts courts pour cette nature d'arrêt et font baisser de ce fait la durée moyenne des arrêts», indique l'étude. En clair, la suppression du seul jour de délai de carence dans la fonction publique a fait fortement augmenter le nombre d'arrêts de faible durée."

Ainsi, c'est bien le renoncement aux arrêts longue maladie du fait de la suppression du jour de carence qui entraîne 1 - une augmentation des arrêts maladie mais 2 - une diminution du nombre de journées du fait de ces arrêts maladie plus fréquents.

En clair, avec l'abrogation du jour de carence, on a plus d'arrêts maladies, mais de plus courtes durées, car le fonctionnaire, comme je l'ai dit dans mon commentaire précédent, n'aura pas peur de reprendre "à l'essai" son travail, car il n'aura pas peur de subir un autre jour de carence en cas de retour infructueux et redéclenchant la maladie.

Tout s'explique. La droite n'est pas dans le rouge, mais dans le noir avec cette idée de restauration du jour de carence. Elle ne fera que développer le nombre de journées d'arrêts maladie, l'expérience l'a prouvé. Aussi, si elle veut se recrédibiliser, il lui faut tenir compte des chiffres et des graphiques, et renoncer à cette idée absurde de retour des jours de carence, sous peine d'être traitée d'obscurantiste niant les données empiriques de l'expérience.

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Le 30/11/2016 à 12:36, Laïc1 a dit :

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Voici un autre graphique encore plus clair, où l'on voit bien l'envolée des journées d'arrêt maladie suite à l'instauration du jour de carence en 2011, et leur régression suite à l'abrogation du jour de carence le 1er janvier 2014.

http://i.f1g.fr/media/figaro/805x476/2016/11/29/XVMfd859e7a-b62e-11e6-ad48-6bd3f2958c2a-805x476.jpg

Si la droite persiste à ne pas tenir compte de ce graphique, elle sera définitivement discréditée aux yeux de l'opinion publique.

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