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Jean-François Mancel
Question N° 96963 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 juin 2016

M. Jean-François Mancel attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions d'application du livre IV du code pénal aux agissements de certains individus particulièrement dangereux pour la sécurité des Français. Comme le dispose l'article 411-4 du code pénal « le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France est puni de 30 ans de détention criminelle et de 45 000 euros d'amende ». Il souhaiterait donc savoir si l'autorité judiciaire est en mesure d'appliquer les dispositions de cet article à toute personne qui se recommande de l'État islamique ou entretient un rapport direct ou indirect avec cette organisation ou toute organisation comparable. Dans ce cas il demande à en connaître les modalités concrètes d'application. Dans le cas contraire il souhaite savoir si le Gouvernement envisage d'adapter cet article à la situation actuelle pour le rendre opérant.

Réponse émise le 24 janvier 2017

L'article 411-4 du code pénal punit de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 euros d'amende le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France. Est puni des mêmes peines le fait de fournir à une puissance étrangère, à une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents les moyens d'entreprendre des hostilités ou d'accomplir des actes d'agression contre la France. Ces infractions font ainsi référence à une entité étrangère, qui en est bénéficiaire. Si la notion de « puissance étrangère » renvoie de toute évidence à un État étranger et si « l'entreprise étrangère » correspond à une société, privée ou publique ayant une activité économique, « l'organisation étrangère » ne semble pas devoir être nécessairement une entité juridique. Elle semble ainsi pouvoir correspondre à toute entité un tant soit peu structurée, tel un groupe militaire ou paramilitaire. Une organisation terroriste, tel l'Etat Islamique, pourrait ainsi être considérée comme une « organisation étrangère », car présentant les caractères d'un groupe unifié, structuré et hiérarchisé, ayant une permanence certaine et un nombre important de membres. L'infraction de trahison réprimée par l'article 411-4 du code pénal a cependant été conçue par le législateur afin de réprimer une entente criminelle avec une organisation étrangère présentant un caractère étatique. Appliquer ce texte aux ressortissants français intégrant l'Etat Islamique reviendrait à faire primer ce caractère étatique de l'organisation sur sa dimension terroriste. L'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste définie par l'article 421-2-1 du code pénal permet d'appréhender largement ce type de comportements, y compris en amont du passage à l'acte. Elle présente une plus grande souplesse, utile aux enquêtes. En effet, l'incrimination de l'article 411-4, exige formellement un acte d'entretien d'intelligences. La caractérisation matérielle de l'infraction suppose de relever à l'encontre de son auteur l'accomplissement d'un comportement propre à nouer une relation d'entente avec une entité étrangère. Ce comportement implique la réalisation d'un acte positif, puisque les textes incriminent le fait « d'entretenir » des intelligences. En ce sens, un seul contact unilatéral de l'auteur vers l'entité étrangère ou, inversement, de cette dernière vers l'auteur, ne suffirait pas à consommer l'infraction d'entretien d'intelligences. En outre, le terme « intelligence » doit ici être pris dans un sens étymologique bien particulier renvoyant à « une relation secrète entre personnes ». L'incrimination de l'article 411-4, contient en outre un dol spécial – l'animus hostilitis – qui explique sa nature criminelle. Le crime d'entretien d'intelligences exige en effet un mobile particulier tenant à la volonté de « susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France », ce qui paraît renvoyer à toute entreprise de guerre contre la France, mais également à tout emploi de la force dirigé contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de la France. Ces éléments matériels et intentionnels nécessaires à caractériser le crime d'entretien d'intelligences rendent à l'évidence complexe la mise en œuvre de cette incrimination afin de réprimer des comportements qu'elle n'avait manifestement pas, dans l'esprit du législateur, vocation à appréhender. La clé de voûte de la lutte contre le terrorisme doit demeurer l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme définie par l'article 421-2-1 du code pénal qui réprime de 10 ans d'emprisonnement et 225.000 euros d'amende le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un actes de terrorisme. Sur le fondement de ce texte, la simple appartenance à une organisation terroriste est punissable, sans qu'il soit nécessaire de démontrer la fonction occupée ou le rôle joué par l'affilié, ni même les crimes ou délits auxquels tend l'association, ceux-ci pouvant rester indéterminés. La participation à l'entente litigieuse est punissable dès lors que l'affilié a eu connaissance du dessein du groupe même dans ses grandes lignes et qu'il y a adhéré volontairement. Par ailleurs, cette infraction revêt un caractère criminel, et les peines sont – depuis la loi du 21 juillet 2016 – portées à 30 ans et 450.000 euros d'amende, lorsque le groupement formé a pour objet la préparation d'actes de terrorisme considérés comme particulièrement graves car mettant en danger l'intégrité physique de personnes (crimes d'atteintes aux personnes, attentat via destruction par substance explosive, …- articles 421-5 et 421-6 du code pénal). La même loi a permis de mettre en oeuvre des condamnations à la perpétuité réelle. La loi permet aujourd'hui, sur le fondement de l'article 421-2-1 du code pénal, de prendre en compte de façon suffisamment large le phénomène des déplacements d'individus poursuivant des visées terroristes, quelle que soit leur nationalité ou le résultat de leurs actes. A ce jour 335 personnes sont mises en examen au pôle antiterroriste de Paris, dont 210 sont placées en détention provisoire, pour leur implication dans les filières djihadistes vers la Syrie et les magistrats spécialisés de ce tribunal n'estiment nullement souffrir d'un défaut de base légale, encore renforcée par les lois du 3 juin et du 21 juillet 2016 pour poursuivre, instruire et réprimer ces faits.

1 commentaire :

Le 30/01/2017 à 00:32, chb17 a dit :

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Parmi les jihadistes si encombrants à leur retour, ceux qui sont partis se battre contre "le dictateur" de Damas n'y avaient-ils pas été encouragés officiellement ? Leur obstination à survivre au terrible "jihad" auquel ils ont participé au Moyen-Orient nous confronte certes à un danger, qui a sans doute mal été évalué par les "Amis du Peuple Syrien".

Il serait utile alors de dissuader les donneurs d'ordre de recommencer leurs tentatives de renversement de gouvernements étrangers. Celles-ci, même dans le cadre de la "R2P", sont d'ailleurs condamnées par des lois internationales dont la France est signataire.

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