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Jean-Luc Laurent
Question N° 101731 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 27 décembre 2016

M. Jean-Luc Laurent attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les conséquences pour les professions de santé que pourrait avoir l'ordonnance prise en application de l'article 216 de la loi n° 2016-41 dite de modernisation de notre système de santé pour assurer la transposition de la directive européenne 2013/55/UE. Cette directive européenne modifie la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les pays membres et prévoit une exception notable pour les professions de santé afin justement de garantir l'intégrité du système de santé de chaque pays. Les infirmiers ou aides-soignants ont par exemple un niveau de qualification et des obligations fortement variables d'un pays à l'autre. L'alinéa 7 de la directive 2013/55/UE dispose effectivement qu'en cas de différences de qualification trop importantes d'un pays à l'autre, « l'État membre d'accueil devrait, dans ces conditions particulières, lui accorder un accès partiel ». Néanmoins, le même alinéa introduit des dérogations au principe d'accès partiel pour les professions de santé : « en cas de raisons impérieuses d'intérêt général, définies comme telles par la Cour de Justice de l'Union européenne dans sa jurisprudence relative aux articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, susceptible de continuer à évoluer, un État membre devrait être en mesure de refuser l'accès partiel. Cela peut être le cas, en particulier, pour les professions de santé, si elles ont des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients ». Les professionnels de santé dénoncent un risque de surtransposition de la législation européenne. Les syndicats professionnels et l'Ordre national des infirmiers dénoncent notamment une « ubérisation » des professions de santé et l'apparition de nouvelles professions intermédiaires qui viendraient désorganiser et complexifier l'organisation du travail à l'hôpital et exercer une pression nouvelle sur des professionnels de santé déjà fortement éprouvés. Le Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP), qui réunit l'ensemble des organisations représentatives et structures professionnelles, a d'ailleurs émis un avis défavorable à une écrasante majorité : 23 voix contre, 0 voix pour et 3 abstentions. La reconnaissance partielle introduirait une inégalité de traitement entre les professionnels français soumis à l'intégralité des obligations de formation prévues par notre système de santé et des ressortissants communautaires soumis à certaines obligations. Cela constitue aussi un risque nouveau pour les patients. Au vu de la contestation suscitée par ce projet d'ordonnance ainsi que des risques de désorganisation et d'abaissement général des compétences qu'il pourrait provoquer, il souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend relancer la concertation et connaître les mesures qu'il compte prendre pour préserver le haut niveau de qualification de nos professionnels de santé.

Réponse émise le 31 janvier 2017

Conformément aux obligations communautaires de transposition des directives européennes qui s'imposent aux Etats membres de l'Union européenne (UE), la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé autorise le gouvernement à transposer, par ordonnance, la directive 2013/55/UE du Parlement européen relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. L'ordonnance présentée au conseil des ministres du 18 janvier 2017 transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux : l'accès partiel, la carte professionnelle européenne et le mécanisme d'alerte. L'autorisation d'exercice avec un accès partiel permet à un professionnel, pleinement qualifié dans l'Etat membre d'origine, d'exercer une partie seulement des actes relevant d'une profession réglementée en France. Cette autorisation est encadrée par des conditions très strictes et par un examen au cas par cas des demandes qui pourront être refusées pour un motif impérieux d'intérêt général tenant à la protection de la santé publique. Il est ainsi prévu que l'accès partiel à une activité professionnelle puisse être accordé au cas par cas et lorsque les trois conditions suivantes sont remplies : 1° Le professionnel est pleinement qualifié pour exercer, dans l'Etat d'origine membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'activité professionnelle pour laquelle il sollicite un accès en France ; 2° Les différences entre l'activité professionnelle légalement exercée dans l'Etat d'origine et la profession correspondante en France sont si importantes que l'application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d'enseignement et de formation requis pour avoir pleinement accès à la formation en France ; 3° L'activité professionnelle pour laquelle l'intéressé sollicite un accès peut objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession en France.  L'autorisation d'exercice avec accès partiel définie par cette ordonnance renforce le rôle des ordres professionnels et garantit l'information des patients. Ainsi, pour rendre une décision sur une demande d'accès partiel, l'autorité compétente devra prendre l'avis de l'ordre professionnel régional. En cas de divergence, une analyse complémentaire sera menée par le ministère en lien avec l'ordre national. En cas d'autorisation pour un accès partiel, le professionnel de santé devra exercer sous le titre professionnel de l'Etat d'origine rédigé dans la langue de cet Etat. Il devra informer clairement les patients et les autres destinataires de ses services des actes qu'il est habilité à effectuer dans le champ de son activité professionnelle et le tableau de l'ordre concerné comporte une liste distincte mentionnant les actes que les intéressés sont habilités à effectuer dans le champ de la profession. Il convient de préciser que l'accès partiel n'est pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles au sens de la directive 2005/36/CE. La carte professionnelle électronique concerne dans un premier temps trois professions de santé, pharmacien, infirmier de soins généraux et masseur-kinésithérapeute. Elle constitue un certificat électronique permettant au professionnel de prouver qu'il a accompli, par voie dématérialisée, les démarches requises pour la reconnaissance de ses qualifications dans un autre pays de l'Union. Le mécanisme d'alerte favorise enfin la diffusion, à l'échelle européenne, de signalements de professionnels de santé qui n'auraient pas le droit d'exercer dans leur Etat d'origine, ce qui participe d'un renforcement du contrôle des professionnels.

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