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Colette Capdevielle
Question N° 102016 au Ministère de la justice


Question soumise le 17 janvier 2017

Mme Colette Capdevielle interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions de la fin de vie en détention en France. La loi du 4 mars 2002 a introduit la suspension de peine pour raisons médicales, destinées aux personnes présentant une « pathologie engageant leur pronostic vital » ou « un état de santé durablement incompatible avec leur maintien en détention ». Néanmoins près de 150 personnes décèdent encore de mort naturelle chaque année en prison. La fin de vie en détention pose des questions essentielles de respect de la dignité humaine. L'accès aux soins, même aussi élémentaires que les médicaments anti-douleurs, le lien avec les proches, l'encadrement palliatif sont extrêmement difficiles pour les personnes détenues comme pour les personnels de surveillance et les équipes médicales. Certaines personnes sont amenées à passer plusieurs semaines UHSI (unité hospitalière sécurisée interrégionale), pourtant destinée à de courtes hospitalisations, parce que la détention est incompatible avec leur état pathologique. Près de 4 % de la population carcérale est âgée de 60 ans et plus, ce qui pose un défi majeur de prise en charge par l'administration pénitentiaire. Dès lors, elle lui demande de préciser quelles mesures il compte mettre en œuvre afin de limiter le nombre de personnes dont la fin de vie se déroule en détention et le, cas échéant, d'en adapter les conditions aux exigences de respect de la dignité humaine.

Réponse émise le 16 mai 2017

La prise en charge des personnes détenues en fin de vie constitue un enjeu particulièrement important pour le garde des sceaux. La loi no 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a assoupli les conditions d'octroi de la suspension de peine pour raison médicale, et crée la mise en liberté pour motif médical des personnes en détention provisoire. Par ailleurs, un guide interministériel justice/santé est en cours d'élaboration afin de permettre aux acteurs professionnels concernés de mieux connaître les procédures permettant de libérer les personnes relevant de l'une de ces mesures, et d'identifier les interactions avec les autres acteurs. Ce guide devrait être diffusé par voie de circulaire d'ici la fin du premier semestre 2017. L'accueil au sein d'une structure adaptée à la sortie de détention constitue une condition essentielle dela mise en œuvre des mesures de suspension de peine pour raison médicale. Pour cette raison, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place des actions afin de faciliter l'accès des personnes détenues concernées aux structures médico-sociales. Par exemple, l'expérimentation d'un guichet unique d'accès aux structures d'aval (GUStAv) est en cours depuis le 1er juin 2016 sur le ressort de trois directions interrégionales des services pénitentiaires (Paris, Marseille et Strasbourg). Cette expérimentation se matérialise par une adresse mail unique, gérée par la direction de l'administration pénitentiaire, avec l'appui de plusieurs fédérations et associations intervenant dans le champ médico-social, destinée à mettre en relation les services pénitentiaires d'insertion et de probation avec les structures d'hébergement médico-sociales d'aval, notamment des appartements de coordination thérapeutique pour les personnes atteintes d'une pathologie somatique et des EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour les personnes âgées en situation de perte d'autonomie. En outre, dans l'attente de la mise en œuvre des décisions d'aménagement de peine pour raison médicale, ainsi que pour les personnes détenues n'en remplissant pas les conditions, il convient d'améliorer les conditions de détention des personnes détenues dont l'état de santé implique une perte d'autonomie importante. Cela passe notamment par une affectation des cellules mieux étudiées et par la réalisation de travaux d'accessibilité des établissements pénitentiaires. Ainsi, les établissements neufs (nouvelles constructions dans le cadre des programmes immobiliers) sont conformes aux dispositions de l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à l'accessibilité des personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires lors de leur construction. Ils disposent notamment tous du quota de 3% de cellules pour personnes à mobilité réduite (PMR).  L'arrêté concernant l'accessibilité des établissements pénitentiaires existants a été signé le 29 décembre 2016. Le plan de montée en charge pour la mise en œuvre de ce nouvel arrêté sera défini dans le cadre du dispositif Ad'AP (Agenda d'Accessibilité Programmée).  Pour les personnes en fin de vie âgées de plus de 60 ans, l'accès à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) constitue un élément déterminant de cette prise en charge puisqu'elle permet de financer l'intervention en détention d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), afin de les aider dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne. Au vu d'une enquête réalisée en septembre 2015, 185 personnes détenues nécessitaient une aide dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne et 38 établissements pénitentiaires étaient couverts par une convention avec un SAAD. Ces services n'interviennent réellement que dans 22 établissements pénitentiaires. Le cas échéant, il peut être fait recours à un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), qui assure, sur prescription médicale, des soins techniques aux personnes qui en ont besoin compte tenu de leur état de santé.  Au niveau local, des protocoles de travail ou des conventions ont été conclus entre l'administration pénitentiaire et les conseils départementaux, mais dans certains départements, les services pénitentiaires d'insertion et de probation rencontrent des difficultés pour créer des partenariats ou les faire vivre. Ainsi, des outils méthodologiques proposés par la direction de l'administration pénitentiaire permettront prochainement d'accompagner les personnels pénitentiaires dans ces démarches parfois complexes (fiche sur la détermination du domicile de secours, modèle de convention avec les services d'aide et d'accompagnement à domicile, etc.). En outre, la direction de l'administration pénitentiaire publie chaque année un guide des droits sociaux accessibles aux personnes placées sous main de justice afin d'accompagner les personnels pénitentiaires dans les démarches à réaliser. Par ailleurs la direction de l'administration pénitentiaire a signé, le 9 septembre 2014, avec la direction des sports (ministère de la ville, de la jeunesse et des sports) et quatre fédérations multisports affinitaires une convention visant à développer les prises en charge spécifiques de ces personnes dépendantes par le biais d'une activité physique. Depuis 2015, un soutien financier pour le développement de ces activités a été apporté dans le cadre de la politique sportive de l'administration pénitentiaire. Les enjeux liés à la perte d'autonomie ont également été intégrés à la formation dispensée aux moniteurs de sport. Enfin, concernant la prise en charge sanitaire, depuis la loi no 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale,  l'organisation et la mise en œuvre des soins des personnes détenues ont été transférées au service public hospitalier.  Le plan d'action stratégique 2010-2014 fixant les principales orientations de la politique de santé pour les personnes placées sous main de justice comprenait des mesures destinées notamment à faciliter la prise en charge sanitaire et sociale, à la sortie de prison en organisant une continuité de prise en charge adaptée des personnes âgées. Le rapport IGAS/IGSJ d'évaluation de ce plan d'actions stratégique, rendu en novembre 2015, considère que les enjeux relatifs à la perte d'autonomie, liés au vieillissement et/ou au handicap et à la fin de vie sont insuffisamment pris en compte par les dispositifs de soins en prison. Par conséquent, cet axe sera renforcé dans le cadre du futur programme d'actions stratégiques, en cours d'élaboration entre le ministère de la justice et le ministère des affaires sociales et de la santé.

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