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Pierre Morel-A-L'Huissier
Question N° 11707 au Ministère de l'économie


Question soumise le 27 novembre 2012

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur la concurrence des entreprises étrangères dans le domaine des travaux publics. Il souhaiterait savoir ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour soutenir les entreprises françaises.

Réponse émise le 2 avril 2013

Le Gouvernement est particulièrement attentif aux distorsions de concurrence qui peuvent être liées à un détournement des règles européennes et nationales de détachement des travailleurs dans le cadre de la libre prestation de services entre États européens, tout particulièrement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le détachement transfrontalier de travailleurs renvoie à quatre situations possibles : - l'exécution d'une prestation de services par une entreprise originaire d'un autre territoire que celui sur lequel ont lieu les travaux, - la mise à disposition de salariés par une entreprise de travail temporaire, - la mobilité de salariés entre entreprises d'un même groupe, - la réalisation d'une opération pour le compte de l'entreprise prestataire étrangère. Le recours au régime du détachement est encadré : l'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. Le droit applicable aux travailleurs en détachement est défini par le droit européen (directive européenne n° 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs, règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 en matière de coordination de sécurité sociale), qui articule l'application du droit du pays d'exécution du travail et une partie des règles du pays d'origine. Ainsi, en ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter certaines règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi. L'article L. 1262-4 du code du travail fixe précisément la liste des matières dans lesquelles le droit français doit être respecté (notamment rémunération, durée du travail, santé et sécurité au travail...). Les entreprises prestataires établies hors de France doivent également transmettre une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail du lieu d'exécution de la mission du salarié détaché. Par ailleurs, l'article D. 8222-7 du code du travail prévoit l'obligation pour l'entreprise cliente en France, en sa qualité de donneur d'ordre, de se faire remettre par l'entreprise étrangère un certain nombre de documents préalablement à la conclusion du contrat de prestation de services dès lors qu'il porte sur un montant au moins égal à 3 000 euros. Suivant l'article L. 8222-2 du code du travail, la responsabilité solidaire de cette entreprise pourra être engagée s'il est prouvé qu'elle n'a pas accompli ces formalités et qu'un procès verbal pour travail dissimulé est relevé à l'encontre de l'entreprise ayant détaché des salariés. En matière de sécurité sociale, le règlement communautaire n° 883/2004 du 29 avril 2004 permet, sous certaines conditions, de limiter les changements de législation applicable pour de courtes périodes de détachement, en prévoyant le maintien de la législation de l'État d'origine. Ainsi, en application de ce règlement, les entreprises prestataires établies hors de France peuvent continuer à relever du régime de sécurité sociale de leur État d'établissement et y verser des cotisations sociales pendant et au titre de la période de détachement de leurs salariés en France. Dans le but d'éviter que le détachement de salariés dans le BTP n'aboutisse, par dumping social, à des distorsions avérées de concurrence, il apparaît effectivement essentiel d'intensifier les contrôles du respect de ces règles, quelle que soit d'ailleurs la nationalité de l'entreprise et des salariés intervenants. A cet égard, le secteur du BTP, parce qu'il est connu comme étant l'un des plus touchés par le travail illégal sous ses différentes formes, fait l'objet d'une attention particulière. Le rapport sur l'analyse de la verbalisation du travail illégal en 2010, rédigé par la direction générale du travail (DGT) et la délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF), souligne, à cet égard, la progression constante du nombre d'infractions relevées en France dans ce secteur par les services de contrôle de l'État et des organismes de protection sociale depuis quatre ans (43 % des entreprises contrôlées). Le nombre de contrôles dans le BTP a augmenté de 17 % en 2010 pour s'établir à 30 606 (28 202 en 2009). En 2010, l'enquête recense près de 10 900 entreprises en infraction liée au travail dissimulé avec, pour le secteur du BTP, 4 500 entreprises en infraction, soit un taux d'infraction voisin de 15 %. Le taux d'infraction est en hausse de deux points (13 % en 2009 ; 15 % en 2010). En 2010, 1 688 entreprises étrangères ont été contrôlées, soit près de 2,5 % des entreprises contrôlées. Le nouveau plan national de lutte contre le travail illégal a retenu la répression des fraudes aux détachements dans le cadre des prestations de services internationales parmi ses cinq orientations. En ce qui concerne le volet préventif, plusieurs initiatives ont déjà été engagées avec les partenaires sociaux dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement, et plusieurs organisations professionnelles (la fédération nationale des travaux publics, la caisse nationale de surcompensation du bâtiment et des travaux publics, la chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et paysagistes, entreprises générales de France-BTP, sociétés coopératives de production du bâtiment et des travaux publics, la fédération française du bâtiment et la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment). La plaquette d'information destinée à l'ensemble des maîtres d'ouvrage et des entreprises du secteur a fait récemment l'objet d'une mise à jour tenant compte de l'évolution du droit, en concertation avec les organisations professionnelles et les organisations syndicales de travailleurs. Cette plaquette est disponible sur le site du ministère chargé du travail et sur ceux des partenaires concernés. Elle est complétée par un référentiel de questions-réponses sur la sécurité juridique des contrats de sous-traitance dans le BTP. Le directeur général du travail et le délégué national de lutte contre la fraude ont recommandé aux préfets, dans un courrier adressé en date du 16 juillet 2012, le renforcement de la lutte contre toutes les formes de travail illégal ainsi que la mise en oeuvre de nouvelles sanctions administratives pour travail illégal. Ainsi, les préfets de département sont désormais habilités à ordonner la fermeture provisoire des établissements concernés par de telles infractions, cette fermeture pouvant éventuellement être assortie d'une saisie du matériel professionnel et/ou du prononcé d'une exclusion des contrats administratifs. De plus, les autorités susceptibles d'octroyer des aides publiques en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture, outre la possibilité qu'elles avaient déjà de refuser l'octroi de ces aides, pour une durée maximale de cinq ans, pourront désormais en demander le remboursement. En outre, le Gouvernement, soucieux de lutter au mieux contre ces détournements, a réuni, le 27 novembre dernier, dans le cadre de la feuille de route adoptée suite à la grande conférence sociale de juillet dernier, la commission nationale de lutte contre le travail illégal chargée de dresser le bilan des actions déjà engagées par les services de l'État et les organismes de recouvrement des cotisations sociales et de fixer les axes prioritaires du plan national d'action pour les années à venir. La répression des fraudes aux détachements dans le cadre des prestations de service internationales, et, plus généralement, la lutte contre toutes les formes de travail dissimulé font partie des cinq orientations fondamentales décidées dans le cadre de ce plan d'actions. Par ailleurs, le Gouvernement, conscient que, dans certains secteurs, notamment l'artisanat, la création du régime de l'auto-entrepreneur a été perçue comme un élément générateur de concurrence déloyale, a souhaité qu'une évaluation complète du dispositif soit réalisée. Une mission en ce sens a été confiée à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires sociales, qui devront rendre leurs conclusions pour la fin du premier trimestre 2013. Le Gouvernement s'appuiera sur les résultats de cette évaluation pour procéder aux mesures d'ajustement et aux évolutions nécessaires en poursuivant à son niveau la concertation avec toutes les parties intéressées. Enfin, afin d'améliorer l'application des règles existant au niveau européen dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union européenne et, compte tenu du constat de pratiques de contournement du droit, la Commission européenne a présenté le 21 mars 2012 une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la directive de 1996. Cette proposition de texte, soutenue par la France, prévoit différentes mesures visant notamment à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de services transnationale. Ces initiatives témoignent de la ferme volonté du Gouvernement d'intensifier la mobilisation des services de l'État en faveur de cette action prioritaire que constitue la lutte contre le travail illégal..

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