M. Jean-Luc Bleunven interroge M. le ministre de l'intérieur sur la diffusion et l'utilisation des livrets de famille bilingue français-breton délivrés par plusieurs mairies de Bretagne. Le ministère des affaires étrangères a récemment refusé de procéder à la mise à jour d'un livret de famille au motif qu'il était pré-imprimé en langues française et bretonne. Il a soutenu, en outre, qu'en application de la loi n° 118 du 2 thermidor An II (20 juillet 1794) et de l'article 2, alinéa 1er, de la Constitution issu de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 26 juin 1992, seule la langue française devait être utilisée dans les actes publics. Or la loi du 2 thermidor An II a été suspendue le 2 septembre 1794, après la chute et l'exécution de Robespierre. Par ailleurs, concernant l'article 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 15 juin 1999 concernant la charte européenne des langues régionales ou minoritaires que l'obligation du français dans les documents officiels « n'interdit pas l'utilisation de traductions ». De la même manière, la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française dispose, en son article 21, que « les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage ». En attendant la ratification de la charte européenne des langues minoritaires promise par le Président de la République et le vote d'une loi qui sécurise juridiquement l'usage des langues régionales, elle le sollicite afin de connaître les mesures qu'il envisage de prendre pour faire cesser les procédés visant à limiter ou à empêcher l'usage des langues régionales.
La contestation par l'administration de la légalité des « livrets de famille » bilingues français-breton ne saurait être assimilée à un procédé visant à limiter ou empêcher l'usage des langues régionales dès lors qu'elle repose sur le principe solennellement affirmé en France d'unicité de la langue officielle. Le principe selon lequel « la langue de la République est le français », inscrit à l'article 2 de notre constitution depuis la loi n° 92-554 du 25 juin 1992, a désormais valeur constitutionnelle. Ce principe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de « parler, écrire et imprimer librement » garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni occulter l'apport culturel indéniable, consacré à l'article 75-1 de la Constitution, que constituent les langues régionales. Il résulte de la conciliation de ces principes, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-412 du 15 juin 1999 relative à la charte européenne des langues minoritaires que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage, que l'article 2 de la constitution n'interdit pas l'utilisation de traductions » (cons. 8), lesquelles s'entendent exclusivement de traductions autonomes de textes français, dépourvues de valeur officielle, telles que celles prévues par l'article 10 de la charte pour les textes officiels des collectivités locales, et par son article 9, paragraphe 3, pour les textes législatifs nationaux afin de faciliter l'accès à la justice. La Constitution permet ainsi de ménager un équilibre, distinguant les personnes publiques et services publics qui doivent employer le français, des particuliers qui ont, entre eux, le libre choix des termes. Les livrets de famille étant constitués d'actes de l'état civil, qui sont des documents publics, doivent être, en l'état du droit actuel, rédigés en français. A l'inverse, il ne saurait en conséquence être reconnu de caractère officiel à des documents non rédigés en français, même partiellement. Enfin, l'arrêté du 1er juin 2006 fixe le modèle du livret de famille, lequel est identique sur l'ensemble du territoire national, quant à son nombre de pages, son contenu et sa présentation exacte. Ces livrets ne peuvent donc avoir de caractère officiel ni de valeur probante. Rien ne s'opposerait toutefois à la délivrance par les mairies, en sus du livret de famille officiel, d'une traduction bretonne de celui-ci, dépourvue d'effet juridique, pour autant qu'elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l'État.
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