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Christophe Castaner
Question N° 12503 au Ministère de la justice


Question soumise le 4 décembre 2012

M. Christophe Castaner attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la précarité du statut des enfants recueillis par kafala en France, depuis la loi n° 2001-111 du 6 février 2001. La Défenseure des enfants, la HALDE, ainsi que le Médiateur de la République se sont penchés sur le sujet, dénonçant la non-conformité du statut actuel du mineur recueilli par kafala en France aux exigences de la convention internationale des droits de l'enfant. En effet, si la kafala est une institution de droit musulman, la finalité première de celle-ci est la protection de l'enfant, but légitime dont la France se veut garante notamment à travers les nombreuses conventions de protection des droits de l'enfant auxquelles elle a adhéré. Or, une fois en France, cette protection n'est plus reconnue à sa juste valeur et l'enfant recueilli est alors considéré comme un mineur isolé sans lien réel avec sa famille. Son intégration à sa nouvelle vie est alors soumise aux décisions discrétionnaires des différentes administrations et organismes sociaux. Il lui demande donc quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il mettre en place afin de permettre à ces enfants recueillis par kafala d'être reconnus comme des citoyens à part entière.

Réponse émise le 6 août 2013

La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. C'est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle est expressément reconnue par plusieurs conventions, que la France a ratifiées, comme une mesure de protection au même titre que l'adoption (article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et article 3 de la convention de la Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants du 19 octobre 1996). L'article 370-3 du code civil, issu de la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, prévoit que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France. Cette disposition a été adoptée à l'unanimité par le Parlement français, afin de respecter la souveraineté des Etats prohibant l'adoption, et de se conformer aux exigences de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l'adoption internationale, qui impose de s'assurer de l'adoptabilité d'un enfant au regard de sa loi personnelle. A plusieurs reprises, la Cour de cassation s'est prononcée sur la conformité de l'alinéa 2 de l'article 370-3 du code civil, qui empêche l'adoption d'un enfant dont la loi prohibe l'institution, aux différentes conventions internationales. Elle a ainsi estimé que le refus d'assimiler la kafala à une adoption n'établissait pas de différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant dès lors que la kafala, reconnue par la convention internationale des droits de l'enfant préservait, au même titre que l'adoption, l'intérêt supérieur de l'enfant. La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans son arrêt Harroudj contre France en date du 4 octobre 2012, a confirmé cette analyse. Elle a ainsi estimé que le refus de prononcer l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle prohibe l'institution ne constitue pas une ingérence dans la vie familiale de la femme qui a recueilli l'enfant et ne porte pas atteinte au respect de sa vie privée et familiale. La kafala judiciaire, comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. L'enfant recueilli n'est donc ni un mineur isolé ni un enfant sans statut protecteur. En outre, l'enfant recueilli par kafala peut être adopté dès qu'il acquiert la nationalité française, ce qui est possible après qu'il a résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Une circulaire est en préparation au ministère de la justice visant à rappeler les effets juridiques de la kafala et à simplifier les démarches des familles qui accueillent ces enfants sur le territoire national. Par ailleurs, le gouvernement entend examiner les propositions de réforme portées à son attention par le défenseur des droits qui seraient susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés.

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