M. Jean-Claude Buisine attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le délai de prescription des demandes de réparations des victimes de l'amiante devant les conseils de prud'hommes. Ce délai a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, concernant les actions menées contre leurs employés par les salariés exposés à l'amiante au titre des préjudices « d'anxiété », de « bouleversements dans les conditions d'existence » et de la « perte de chance de mener une carrière normale ». Ces demandes de réparation seront ainsi prescrites le 17 juin 2013. Les associations de victimes ont des difficultés à recenser toutes les personnes ayant travaillé sur des sites amiantés et les employeurs n'ont aucune obligation d'information envers leurs anciens salariés. Beaucoup d'employés potentiellement contaminés prennent donc connaissance tardivement du danger qui leur est arrivé ainsi que de leurs droits à réparation. Les procès engagés présentent des délais d'instruction très longs, les employeurs interjetant appel, ils risquent d'être remis en cause par la prescription. Aussi, il lui demande si elle envisage de proroger le délai de prescription pour donner aux victimes de l'amiante toutes les chances de faire valoir leurs droits.
La garde des sceaux, ministre de la justice, est particulièrement sensible à la nécessité d'apporter une réponse juste et efficace aux demandes légitimes des victimes du drame de l'amiante, non seulement celles qui ont développé des pathologies mais aussi celles qui vivent aujourd'hui avec la crainte permanente d'être atteintes d'une maladie liée à l'amiante qui ne serait pas encore déclarée. Le préjudice d'anxiété dont elles peuvent de ce fait souffrir est réparable depuis les arrêts du 11 mai 2010 de la chambre sociale de la Cour de cassation. A cet égard, les règles de prescription applicables aux actions en réparation ne paraissent pas, en l'état du droit, de nature à mettre en péril la situation de ces victimes. En effet, il convient de rappeler que ces règles diffèrent selon que le préjudice allégué résulte ou non d'un dommage corporel. Lorsqu'un préjudice tel que le préjudice d'anxiété est la conséquence d'une pathologie déclarée, la prescription de l'action en réparation est de dix ans en application de l'article 2226 du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et selon lequel « l'action en responsabilité née à raison d'un évènement ayant entraîné un dommage corporel [...] se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ». Le point de départ de ce délai étant la date de la consolidation du dommage, en pratique l'action de la victime pourra être engagée, dans bien des cas, plus de 10 ans après l'apparition de la pathologie. En revanche, lorsqu'une personne exposée à l'amiante subit un préjudice d'anxiété qui ne résulte pas d'une atteinte à l'intégrité physique mais de la crainte d'un dommage futur, l'action en réparation est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil et selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Il résulte toutefois de ces dispositions que la prescription ne court pas contre celui qui n'est pas à même d'agir. Or le juge a un large pouvoir d'appréciation pour mettre en oeuvre ce principe, tant s'agissant des faits nécessaires à l'exercice du droit que s'agissant de leur connaissance par son titulaire. Il doit apprécier, au cas par cas, en fonction des éléments produits aux débats et de la situation individuelle de chacune des victimes, la date à retenir pour faire courir ce délai de prescription en envisageant également les faits qui seraient susceptibles d'interrompre ou de suspendre la prescription, ou d'en reporter le point de départ. Notamment, il résulte des dispositions de l'article 2241 du code civil que la demande en justice, telle que la constitution de partie civile dans le cadre d'une information pénale, interrompt le délai de prescription, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Dans ces conditions, on ne peut considérer que l'ensemble des actions en réparation de ce préjudice d'anxiété seront prescrites à compter du 17 juin 2013 sans préjuger des décisions qui pourraient être rendues à l'avenir. S'il n'apparaît donc pas nécessaire de prévoir une nouvelle règle de prescription dérogatoire au bénéfice des victimes de l'amiante, le gouvernement veillera toutefois à ce que les personnes concernées puissent bénéficier d'une information complète afin de leur permettre de faire valoir leurs droits dans les meilleurs délais.
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