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Razzy Hammadi
Question N° 13109 au Ministère de la justice


Question soumise le 11 décembre 2012

M. Razzy Hammadi attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés juridiques rencontrées dans l'articulation du procédé de kafala, issu du droit coranique, et du droit français. Aussi, les familles qui accueillent par le biais du procédé de la kafala de jeunes enfants, assurant leur protection et leur prise en charge, se voient aujourd'hui refuser le statut de familles adoptives. La loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale stipule que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi de son pays d'origine prohibe cette institution. La délégation d'autorité parentale ne suffisant pas à assurer une légitimité juridique et sociale suffisante à ces hommes et femmes responsables de structures familiales, il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour assurer un changement du statut des enfants accueillis en France sous cette méthode.

Réponse émise le 11 juin 2013

La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. En Algérie comme au Maroc, la kafala, qui peut être adoulaire ou judiciaire, peut concerner des enfants ayant des parents biologiques qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, ou des enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins. Dans ce dernier cas, la kafala procède nécessairement d'une décision judiciaire. La kafala est ainsi une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle ne peut donc être assimilée à une adoption, ce qui a été rappelé par la Cour de cassation à propos de l'adoption simple (Civ 1re, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si la kafala ne peut pas être juridiquement assimilée à une adoption, plénière ou simple, elle permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi, la kafala judiciaire, comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de kafala diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seule une kafala judiciaire peut être prononcée, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle, laquelle permet au délégataire de prendre toutes les décisions nécessaires à l'organisation de la vie de l'enfant et à sa protection. La kafala est donc reconnue en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. Le respect de cet équilibre a conduit la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 4 octobre 2012, à considérer que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant a résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Par ailleurs, le gouvernement entend examiner les propositions de réforme portées à son attention par le défenseur des droits qui seraient susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés.

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